Pélerinage de Pentecôte
Publié le 26 Mai 2007
A la suite de Charles Péguy, ce week-end (pluvieux) a lieu le pélerinage de Chartres, auquel votre serviteur va se rendre.
L'occasion pour Famille Chrétienne, d'évoquer ce qu'on appelle le Tradiland.
Via le Forum Catholique.
Incontournable Tradition
En vingt-cinq ans, le pèlerinage organisé à la Pentecôte par l'association traditionaliste Notre-Dame de Chrétienté entre Paris et Chartres est devenu le plus grand pèlerinage à pied d'Europe occidentale. Vitrine de la "Tradition" en France, il fait preuve de la vigueur de ce courant, en attente du fameux document qui pourrait libéraliser la messe tridentine.
Benjamin Coste
Huit mille pèlerins en 2006, jusqu'à plus de dix mille à la fin des années 90. En vingt-cinq ans, le pèlerinage organisé entre Paris et Chartres par Notre-Dame de Chrétienté s'est installé comme le plus important pèlerinage à pied d'Europe occidentale. Plus de cent mille personnes (moyenne d'âge des marcheurs en 2006... 21 ans !) ont effectué au moins une fois ce pèlerinage de cent kilomètres. Le tout encadré par une logistique impressionnante de six cents personnes.
Après vingt-cinq ans d'efforts, les catholiques dits "traditionalistes" qui ouvrent à la réussite de ce "pèlerinage de Chrétienté" ont trouvé leur place dans le paysage ecclésial français. Pour preuve, le Saint-Siège accordera cette année une indulgence plénière aux pèlerins qui marchent vers Chartres. Et Mgr Michel Pansard, évêque du lieu, a autorisé la vénération du voile de la Vierge Marie, conservé dans la cathédrale chartraine, pendant la messe du
lundi et lors des processions.
Pour autant, les relations avec les autorités ecclésiales n'ont pas toujours été aussi sereines, comme le rappelle Hubert de Gestas, 67 ans, qui a présidé l'association Notre-Dame de Chrétienté de 1999 jusqu'à cette année, laissant la place à Olivier de Durat (lire interview "Se convertir en vue d'agir"). "Lors du premier pèlerinage en 1982, nous n'avons pas eu l'autorisation de célébrer la messe dans la cathédrale de Chartres. Les cinq cents pèlerins se sont alors retrouvés sous le porche nord."
L'indult donnant à l'évêque du lieu la faculté d'autoriser une messe selon le rite tridentin ne sera promulgué qu'en 1984. Le pèlerinage de Chrétienté, lui, avait pris les devants en s'articulant autour de la liturgie et du missel dit de saint Pie V, ou tridentin, parce qu'il remonte au concile de Trente. "Dans les années 80, l'Église traversait une crise importante concernant la liturgie. Nous nous sommes accrochés au rite tridentin."
"Refaire de la France un pays chrétien"
Marqués par la résistance spirituelle des Polonais matérialisée par le pèlerinage de Czestochowa, par la question de Jean-Paul II au Bourget : "France, qu'as-tu fait des promesses de ton baptême ?", et par une fascination pour le Moyen Âge chrétien, des membres du Centre Charlier, une association traditionaliste, imaginent ce pèlerinage.
"La nouvelle évangélisation ne se fera pas uniquement par le catéchisme", insiste Hubert de Gestas. Ainsi, le dernier des trois jours que dure le pèlerinage, les marcheurs sont appelés à s'engager concrètement, car "il ne suffit pas de faire un pèlerinage et de se croire quitte dans sa volonté de refaire de la France un pays chrétien", souligne l'ancien président de Notre-Dame de Chrétienté.
Des engagements dans le milieu associatif, scolaire... politique également, à l'image de l'un des fondateurs du pèlerinage, Bernard Antony, qui fut membre du bureau politique du Front national. "Je ne pense pas que beaucoup des pèlerins qui nous accompagnent votent pour des candidats d'extrême gauche", souligne Hubert de Gestas, aux yeux duquel seules trois personnalités politiques affichent publiquement des idées compatibles avec les fameux "critères non négociables" formulés par Benoît XVI : Jean-Marie Le Pen, Philippe de Villiers et Christine Boutin.
"Je pense que Philippe de Villiers a recueilli plus de suffrages que Jean-Marie Le Pen parmi les pèlerins de Chartres. Comme l'avait, à mon avis, fait Christine Boutin en 2002", analyse l'historien Paul Airiau (1). Selon lui, l'aspect politique n'est pas l'objectif premier : le pèlerinage reste, avant tout, une démarche spirituelle. "Mais de nombreux évêques se sont inquiétés de ce mélange entre spirituel et politique, et notamment avec des idées d'extrême droite", note-t-il.
L'adjectif "traditionaliste" cesse de faire peur
Autre pierre d'achoppement entre les autorités ecclésiales françaises et les traditionalistes, un conflit d'interprétation du concile Vatican II, qui conduira une partie des pèlerins de la première heure à suivre Mgr Lefebvre en 1988, après les sacres d'Écône. Ceux-là désormais marchent les mêmes jours, mais entre Chartres et Paris, où ils célèbrent la messe au pied de la basilique de Montmartre.
"De nombreuses familles ont été déchirées par ce choix, entre ceux restés fidèles à Rome et les dissidents", rappelle Paul Airiau. Aussi élevé qu'ait pu être le prix de la fidélité, il a en contrepartie marqué la volonté d'obéissance de ceux restés dans le giron de l'Église. "Il faut quand même souligner que, malgré les réticences, le pèlerinage de Chrétienté a toujours été autorisé." Mieux, il a reçu de puissants soutiens, plusieurs évêques et cardinaux y prenant part. Ainsi, le cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation du clergé, présida-t-il l'édition de 2001.
Depuis son arrivée à Chartres en février 2006, Mgr Michel Pansard s'est inscrit "dans cette habitude d'accueil". Peu familier de la "galaxie" traditionaliste, il a eu la surprise de voir s'implanter dans son diocèse, à Courtalain, la maison de formation de l'Institut du Bon-Pasteur, avec qui "les relations doivent encore être huilées". Quant au document en provenance de Rome sur la libéralisation de la messe tridentine, il explique "attendre d'en lire les conditions", même s'il s'inquiète de savoir "quand les catholiques célébreront ensemble".
Le pèlerinage de Chrétienté est la vitrine de la mouvance traditionaliste en France. Durant trois jours, les "tradis" font l'inventaire des forces en présence. En dehors de la Pentecôte, ils forment une communauté dynamique. Sur Internet par exemple. Des sites comme Le forum catholique ou Le salon beige connaissent de beaux succès d'affluence. "Ils sont intéressants car s'y croisent des lefebvristes, des traditionalistes mais aussi des catholiques qui vont à la messe de Paul VI...", note Paul Airiau.
Intéressants, et révélateurs : l'adjectif "traditionaliste" cesse de faire peur. "On peut sans trop de risque, affirmer que le monde traditionaliste connaît une expansion significative", conclut Paul Airiau. Ainsi, selon l'historien, certains catholiques n'hésitent pas à pratiquer le zapping liturgique, de la messe de saint Pie V à celle de Paul VI.
"Une nouvelle cité catholique et temporelle"
Une curiosité d'une certaine manière encouragée par les nominations, ces dernières années, d'évêques réputés ouverts aux aspirations traditionalistes (Mgr Rey à Toulon, Mgr Fort à Orléans et, plus récemment, Mgr Centène à Vannes et Mgr Ginoux à Montauban).
La volonté de ranimer les valeurs chrétiennes en France croise également les aspirations d'un certain nombre de prêtres nouvellement ordonnés. Qui se retrouvent dans cette définition de la chrétienté donnée il y a peu par Olivier de Durat dans la revue La Nef : "La chrétienté recherchée est cette nouvelle cité catholique et temporelle où la loi ordonnée par Dieu dans le Décalogue et les Évangiles sera librement vécue par la grande majorité du peuple, et la royauté sociale de notre Seigneur Jésus ainsi établie au point que le culte public lui soit à nouveau rendu".
(1) Auteur de Cent ans de laïcité française, 1905-2005, Presses de la
Renaissance.En tout cas, j'aime bien le titre, il semblerait que nous soyons devenus importants. Heureuse nouvelle.
PS: Soyez sages, je reviens Lundi soir. Privé d'Internet et blogs pendant trois jours, je ne sais pas comment je vais faire pour tenir sans ma drogue favorite...
L'occasion pour Famille Chrétienne, d'évoquer ce qu'on appelle le Tradiland.
Via le Forum Catholique.
Incontournable Tradition
En vingt-cinq ans, le pèlerinage organisé à la Pentecôte par l'association traditionaliste Notre-Dame de Chrétienté entre Paris et Chartres est devenu le plus grand pèlerinage à pied d'Europe occidentale. Vitrine de la "Tradition" en France, il fait preuve de la vigueur de ce courant, en attente du fameux document qui pourrait libéraliser la messe tridentine.
Benjamin Coste
Huit mille pèlerins en 2006, jusqu'à plus de dix mille à la fin des années 90. En vingt-cinq ans, le pèlerinage organisé entre Paris et Chartres par Notre-Dame de Chrétienté s'est installé comme le plus important pèlerinage à pied d'Europe occidentale. Plus de cent mille personnes (moyenne d'âge des marcheurs en 2006... 21 ans !) ont effectué au moins une fois ce pèlerinage de cent kilomètres. Le tout encadré par une logistique impressionnante de six cents personnes.
Après vingt-cinq ans d'efforts, les catholiques dits "traditionalistes" qui ouvrent à la réussite de ce "pèlerinage de Chrétienté" ont trouvé leur place dans le paysage ecclésial français. Pour preuve, le Saint-Siège accordera cette année une indulgence plénière aux pèlerins qui marchent vers Chartres. Et Mgr Michel Pansard, évêque du lieu, a autorisé la vénération du voile de la Vierge Marie, conservé dans la cathédrale chartraine, pendant la messe du
lundi et lors des processions.
Pour autant, les relations avec les autorités ecclésiales n'ont pas toujours été aussi sereines, comme le rappelle Hubert de Gestas, 67 ans, qui a présidé l'association Notre-Dame de Chrétienté de 1999 jusqu'à cette année, laissant la place à Olivier de Durat (lire interview "Se convertir en vue d'agir"). "Lors du premier pèlerinage en 1982, nous n'avons pas eu l'autorisation de célébrer la messe dans la cathédrale de Chartres. Les cinq cents pèlerins se sont alors retrouvés sous le porche nord."
L'indult donnant à l'évêque du lieu la faculté d'autoriser une messe selon le rite tridentin ne sera promulgué qu'en 1984. Le pèlerinage de Chrétienté, lui, avait pris les devants en s'articulant autour de la liturgie et du missel dit de saint Pie V, ou tridentin, parce qu'il remonte au concile de Trente. "Dans les années 80, l'Église traversait une crise importante concernant la liturgie. Nous nous sommes accrochés au rite tridentin."
"Refaire de la France un pays chrétien"
Marqués par la résistance spirituelle des Polonais matérialisée par le pèlerinage de Czestochowa, par la question de Jean-Paul II au Bourget : "France, qu'as-tu fait des promesses de ton baptême ?", et par une fascination pour le Moyen Âge chrétien, des membres du Centre Charlier, une association traditionaliste, imaginent ce pèlerinage.
"La nouvelle évangélisation ne se fera pas uniquement par le catéchisme", insiste Hubert de Gestas. Ainsi, le dernier des trois jours que dure le pèlerinage, les marcheurs sont appelés à s'engager concrètement, car "il ne suffit pas de faire un pèlerinage et de se croire quitte dans sa volonté de refaire de la France un pays chrétien", souligne l'ancien président de Notre-Dame de Chrétienté.
Des engagements dans le milieu associatif, scolaire... politique également, à l'image de l'un des fondateurs du pèlerinage, Bernard Antony, qui fut membre du bureau politique du Front national. "Je ne pense pas que beaucoup des pèlerins qui nous accompagnent votent pour des candidats d'extrême gauche", souligne Hubert de Gestas, aux yeux duquel seules trois personnalités politiques affichent publiquement des idées compatibles avec les fameux "critères non négociables" formulés par Benoît XVI : Jean-Marie Le Pen, Philippe de Villiers et Christine Boutin.
"Je pense que Philippe de Villiers a recueilli plus de suffrages que Jean-Marie Le Pen parmi les pèlerins de Chartres. Comme l'avait, à mon avis, fait Christine Boutin en 2002", analyse l'historien Paul Airiau (1). Selon lui, l'aspect politique n'est pas l'objectif premier : le pèlerinage reste, avant tout, une démarche spirituelle. "Mais de nombreux évêques se sont inquiétés de ce mélange entre spirituel et politique, et notamment avec des idées d'extrême droite", note-t-il.
L'adjectif "traditionaliste" cesse de faire peur
Autre pierre d'achoppement entre les autorités ecclésiales françaises et les traditionalistes, un conflit d'interprétation du concile Vatican II, qui conduira une partie des pèlerins de la première heure à suivre Mgr Lefebvre en 1988, après les sacres d'Écône. Ceux-là désormais marchent les mêmes jours, mais entre Chartres et Paris, où ils célèbrent la messe au pied de la basilique de Montmartre.
"De nombreuses familles ont été déchirées par ce choix, entre ceux restés fidèles à Rome et les dissidents", rappelle Paul Airiau. Aussi élevé qu'ait pu être le prix de la fidélité, il a en contrepartie marqué la volonté d'obéissance de ceux restés dans le giron de l'Église. "Il faut quand même souligner que, malgré les réticences, le pèlerinage de Chrétienté a toujours été autorisé." Mieux, il a reçu de puissants soutiens, plusieurs évêques et cardinaux y prenant part. Ainsi, le cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation du clergé, présida-t-il l'édition de 2001.
Depuis son arrivée à Chartres en février 2006, Mgr Michel Pansard s'est inscrit "dans cette habitude d'accueil". Peu familier de la "galaxie" traditionaliste, il a eu la surprise de voir s'implanter dans son diocèse, à Courtalain, la maison de formation de l'Institut du Bon-Pasteur, avec qui "les relations doivent encore être huilées". Quant au document en provenance de Rome sur la libéralisation de la messe tridentine, il explique "attendre d'en lire les conditions", même s'il s'inquiète de savoir "quand les catholiques célébreront ensemble".
Le pèlerinage de Chrétienté est la vitrine de la mouvance traditionaliste en France. Durant trois jours, les "tradis" font l'inventaire des forces en présence. En dehors de la Pentecôte, ils forment une communauté dynamique. Sur Internet par exemple. Des sites comme Le forum catholique ou Le salon beige connaissent de beaux succès d'affluence. "Ils sont intéressants car s'y croisent des lefebvristes, des traditionalistes mais aussi des catholiques qui vont à la messe de Paul VI...", note Paul Airiau.
Intéressants, et révélateurs : l'adjectif "traditionaliste" cesse de faire peur. "On peut sans trop de risque, affirmer que le monde traditionaliste connaît une expansion significative", conclut Paul Airiau. Ainsi, selon l'historien, certains catholiques n'hésitent pas à pratiquer le zapping liturgique, de la messe de saint Pie V à celle de Paul VI.
"Une nouvelle cité catholique et temporelle"
Une curiosité d'une certaine manière encouragée par les nominations, ces dernières années, d'évêques réputés ouverts aux aspirations traditionalistes (Mgr Rey à Toulon, Mgr Fort à Orléans et, plus récemment, Mgr Centène à Vannes et Mgr Ginoux à Montauban).
La volonté de ranimer les valeurs chrétiennes en France croise également les aspirations d'un certain nombre de prêtres nouvellement ordonnés. Qui se retrouvent dans cette définition de la chrétienté donnée il y a peu par Olivier de Durat dans la revue La Nef : "La chrétienté recherchée est cette nouvelle cité catholique et temporelle où la loi ordonnée par Dieu dans le Décalogue et les Évangiles sera librement vécue par la grande majorité du peuple, et la royauté sociale de notre Seigneur Jésus ainsi établie au point que le culte public lui soit à nouveau rendu".
(1) Auteur de Cent ans de laïcité française, 1905-2005, Presses de la
Renaissance.
PS: Soyez sages, je reviens Lundi soir. Privé d'Internet et blogs pendant trois jours, je ne sais pas comment je vais faire pour tenir sans ma drogue favorite...