A quoi sert un hedge fund ?

Publié le 20 Octobre 2007

Hedge fund.

Le mot est laché. Les visages se figent.

Aujourd'hui, c'est presque une insulte, une attaque ad hominem.

Le hedge fund remplit la difficile tâche d'être haï cordialement par quasiment l'ensemble de l'échiquier politique français. Pas un politique n'oubliera un petit mot contre ces "requins", ces "prédateurs", ces "rapaces", ces "vautours".

Une frange non négligeable des catholiques, que ce soit chez les tradis ou ailleurs, s'est jointe à l'extrême-gauche pour vouer aux gémonies tout ce qui pourrait ressembler de prés ou de loin à la finance, ou à des masses financières un peu importantes. Dans leur bouche, le libéralisme est toujours accolé d'un qualificatif péjoratif, ultra ou néo au choix.

De l'Eglise au parti communiste, de l'extrême-droite aux ministres en place, des altermondialistes à Joseph Stiglitz, prix Nobel dont le positionnement à gauche n'est plus à présenter, pas un mouvement ne manque à l'appel pour condamner vigoureusement les hedge funds, incarnation du mal sur terre, sans que personne ne se décide à les interdire définitivement.

Curieux...

Cette détestation n'a pas lieu d'être tant les hedge funds sont divers et remplissent des fonctions différentes. Ils ne sont que la partie émergée du capitalisme triomphant. Ils ne sont qu'un symptôme, en aucun cas un problème. Je vais donc s'attacher à montrer qu'ils ne méritent absolument pas cette cordiale détestation.

Qu'il y ait des excés que les états doivent combattre en instaurant des barrières douanières ou des limites, beaucoup seront d'accord là-dessus, moi le premier. Le libéralisme n'est pas l'absence de règles. Mais condamner le capitalisme "prédateur", sans autre condamnation que des méchants hedges funds, qui dicteraient leur loi aux entreprises de "l'économie réelle" est assez naïf.

Philosophiquement, on a l'impression, dans certains discours, que la spéculation ne serait pas du travail. Par mes aïeux, je me demande bien pourquoi alors, autant de gens, travaillant dans ce milieu, reviennent chez eux, épuisés ! Non seulement épuisés, mais en plus vilipendés, car pas grand-monde n'a compris quel était leur rôle et qu'ils représentent le bouc émissaire idéal, vu leur goût du secret.

En anglais, "to hedge" signifie "se couvrir". Un hedge fund n'est rien d'autre qu'un fonds, c'est à dire un montant défini d'argent, dénué de toutes obligations réglementaires sur les marchés mais qui ont des règles contraignantes en ce qui concerne la vente des parts de ces fonds (en France, par exemple, ils n'ont pas le droit de faire de publicité afin de protéger les épargnants).  Le gérant peut faire ce qu'il veut sur les marchés, et ne s'en prive généralement pas, tant les stratégies sur ceux-ci sont diverses et variées, lorsque l'on n'est pas limité dans l'investissement. Reste que les condamner sans savoir qu'ils sont la soupape NECESSAIRE de l'économie est au minimum simpliste, au pire malveillant.

Pourquoi ?

Prenons un exemple simple.

Admettons qu'un producteur de café souhaite, un an avant sa récolte, vendre la quasi-totalité de sa future production à un industriel. Son intérêt, en faisant cela, est d'assurer le débouché de sa récolte, tout en récupérant une partie de son chiffre d'affaires longtemps à l'avance. Cela lui permet d'éviter le coût du stockage et de planifier son bilan.

D'un point de vue comptable, cela l'intéresse car l'incertitude, sur le prix de son café dans un an, est levée. Il sait, un an avant, ce que va globalement lui rapporter sa récolte, sans risque de retournement des prix, dans un sens ou dans l'autre.

Comment peut-il faire ceci?

Trés simplement, en vendant des contrats à terme, c'est à dire en s'engageant à livrer à terme (donc, dans le cas qui nous occupe, dans un an) un montant calibré de café. Le paiement se fait au comptant, c'est à dire au prix du jour. Un industriel agro-alimentaire, de l'autre côté, peut acheter des contrats à terme, qui lui permettront de recevoir, dans un an, le café vendu par le producteur, au prix convenu aujourd'hui. Cela lui permet de savoir, dès maintenant, combien va lui coûter sa livraison de matières premières, et donc, de mieux calculer son budget. Ce n'est finalement rien d'autre qu'une promesse d'achat ou de vente.

Bien qu'il y ait des milliers d'intervenants sur tous ces marchés, qu'ils soient producteurs ou industriels, on se doute bien qu'il n'est pas forcèment possible que tout le monde puisse se mettre d'accord, les contraintes des producteurs et des industriels n'étant pas synchronisées. Par exemple, pour simplifier, un industriel souhaitera acheter pour Janvier tandis qu'un producteur voudra vendre pour Aout. C'est là que les hedge funds, ou les vils spéculateurs, interviennent.

Le hedge fund va acheter la production, sous la forme du contrat à terme, en Août et la revendre en Janvier à l'industriel, en se gardant bien d'arriver au terme de l'échéance, sinon ce spéculateur serait contraint de se faire livrer effectivement les tonnes de matières premières négociées. Dans cette opération, il est l'intermédiaire entre le producteur et l'industriel, il assure donc la liquidité des échanges. Son intérêt est de tirer parti de ses propres prévisions, ici une hausse du contrat, pour faire une plus value.

En fait, les hedge funds interviennent sur les marchés pour prendre les risques, de hausse ou de baisse de la matière première, que ne VEULENT PAS assumer l'industriel et le producteur. Ce qui est normal, le travail de l'industriel n'est pas de prendre un risque sur sa matière première, mais bien de produire un bien et de le vendre correctement. Le producteur également, son travail n'est pas de spéculer, mais bien de vendre et de livrer sa production, au prix qu'il estime le plus sûr.

Le vil spéculateur leur facilite donc la vie en levant l'incertitude sur les livraisons et le prix de ces deux intervenants, en leur fournissant, tout simplement, une contrepartie. On comprend vite qu'à l'aune de la mondialisation des échanges, le rôle des hedges funds est essentiel pour assurer la liquidité de tous les marchés financiers, ils permettent d'assurer l'approvisionnement en titres, en devises, en contrats à terme. Mieux, certains d'entre eux, qu'on appelle les arbitragistes, pratiquent l'achat et la revente de titres quasiment instantanée, ce qui a pour effet de stabiliser et de lisser les cours.

Imaginons ce qu'il se passerait dans un monde de bisounours, où il n'y aurait pas ces requins de spéculateurs. On assisterait alors à des situations où les prix décrocheraient violemment, où la liquidité des échanges ne seraient plus assuré (c'est à dire que si vous souhaitez vendre, vous n'aurez peut-être aucun acheteur, vous seriez donc contraint de vous séparer de votre actif à des pris prohibitifs), où les producteurs et industriels seraient prisonniers des intervenants les plus prudents, ceux-ci s'arrangeant certainement pour imposer le prix qu'ils souhaitent, profitant de la manière la plus immorale possible, de leur position de monopole.

Evidemment, il y a quelques excès comme Amaranth, qui a fait faillite il y a quelques mois, en perdant 12 milliards de dollars sur le contrat du gaz. Mais l'argent qu'il a perdu était celui d'investisseurs qualifiés, conscients des risques qu'ils prenaient, qui, suite à d'autres faillites retentissantes, ont compris qu'il fallait éviter de mettre tous ses oeufs dans le même panier. Ce ne sont pas des petits porteurs dans le style de ceux  qui ont été ruinés par Eurotunnel qui peuvent y investir. Les conséquences ont été tout à fait limitées, le système économique sachant maintenant les absorber. LTCM, un hedge fund qui avait failli enclencher, en 1998, par effet de domino, la faillite du système capitaliste mondial a permis de prouver aux investisseurs qu'il fallait limiter les risques.

En outre, à l'instar du marché, les hedge funds changent d'idées et d'envies, comme de chemises. Les PDG, sous la pression de ces fonds, doivent savoir leur résister et construire un projet industriel cohérent et à long terme. Et les stratégies non désirées par les marchés ne sont pas les dernières à être saluées par une envolée des cours de bourse, lorsque cette même stratégie a fait preuve de son succés. Les marchés ne cessent de se contredire. Mais si les entreprises ont besoin de financement, les hedge funds et autres private equity seront là pour les financer et leur permettre de mettre en oeuvre les projets dont elles ont besoin.

Donc diaboliser les hedge funds globalement, sans voir les aspects positifs et négatifs, est absurde. Sans eux, notre économie ne tournerait plus. On y perdrait beaucoup de flexibilité et d'emplois. Qu'il faille les maîtriser et les surveiller, je suis le premier à souscrire. Mais de là à les proscrire, il y a une marge que je ne franchirais pas.

Car les hedge funds ne font que remplir des tâches que les banques, les industriels, les producteurs, les politiques, que tous ont aujourd'hui décliné: la prise de risque. Et dire cela ne me semble pas aller à l'encontre de ce qu'affirme l'Eglise, malgré ce que certains pourraient en penser.

Car le compendium sur la doctrine sociale de l'Eglise, à propos de la finance, nous dit:

-331 "Comme dans le domaine moral il faut tenir compte des raisons et des exigences de l'économie, en œuvrant dans le domaine économique il faut s'ouvrir aux questions morales: « Dans la vie économico- sociale aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C'est l'homme en effet qui est l'auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale ».
(...)
334 L'objet de l'économie est la formation de la richesse et son accroissement progressif, en termes non seulement quantitatifs, mais qualitatifs: tout ceci est moralement correct si l'objectif est le développement global et solidaire de l'homme et de la société au sein de laquelle il vit et travaille.
(...)
348 Le marché libre ne peut être jugé sans tenir compte des fins qu'il poursuit et des valeurs qu'il transmet au niveau social. De fait, le marché ne peut pas trouver en lui-même le principe de sa propre légitimation. Il revient à la conscience individuelle et à la responsabilité publique d'établir un juste rapport entre les fins et les moyens.
(...)
Le profit individuel de l’agent économique, bien que légitime, ne doit jamais devenir l’unique objectif. À côté de celui-ci, il en existe un autre, tout aussi fondamental et supérieur, celui de l’utilité sociale, qui doit être réalisé non pas en opposition, mais en cohérence avec la logique du marché. Quand il remplit les importantes fonctions rappelées ci-dessus, le marché libre sert le bien commun et le développement intégral de l'homme, tandis que l'inversion du rapport entre les moyens et les fins peut le faire dégénérer en une institution inhumaine et aliénante, avec des répercussions incontrôlables.

Rien de ce que je lis ci-dessus dit l'Eglise ne va à l'encontre des hedge funds et du capitalisme.  Les hedge funds ne sont rien d'autre qu'un outil, au même titre que l'argent. Le problème est de se garder que cela devienne une finalité.

Rien de plus, mais rien de moins également.

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Finance

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E
<br /> Pour aller plus loin sur les hedge funds, un site est consacré à cet univers en france : http://www.les-hedge-funds.com<br />
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P
je pense que vous avez l'air fin aujourd'hui avec la crise fiancière vous avez ouvert la boite de pendorre et que les contrats d'assurance des oblogations sont une bombe a retardement.
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P
<br /> Heu, non, pas vraiment, ça ne change pas grand-chose.<br /> <br /> <br />
E
J'ai une bonne nouvelle pour vous : ce sera mon dernier message sur ce blog.  Je suis fatigué de vos insultes qui tiennent lieu d'arguments. J'espère sincérement que vous n'êtes représentatif ni de la jeunesse ni des catholiques.Bonne continuationCordialementEmir Abel
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P
Faudrait savoir, je suis tolérant ou je balance des insultes ? Vous dites vous-mêmes que vous vous seriez censuré...
E
"Il est normal de ne payer aucun impôt"Comment peut-on écrire une chose pareille. Et vous les construisez avec quoi les écoles, les autoroutes et les hôpitaux ?Solidarité ça vous dit quelque chose ? et justice ?
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P
Vous êtes vraiment abruti, vous, j'avais mis "si vous vous expatriez correctement", c'est à dire dans l'idée de payer le moins d'impôts possibles, il est parfaitement possible de le faire.
E
@PolydamasMeskin le cou dé fotes d'orotgraf. Vous n'etes pas en reste. Et dans mon commentaire 29 il n'y a pas d'arguments ?Oo vous n'avez simplement rien à rajouter face à l'évidence
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P
Je n'interviens pas qu'ici si vous souhaitez vraiment tout savoir, j'ai d'autres choses à faire AUSSI.