Le foetus existe. Point.

Publié le 25 Janvier 2014

Ayn Rand, à propos de laquelle j'ai écrit mon billet précédent, écrivait en reprenant Aristote, que "A est A". Elle voulait dire que les choses existent indépendamment de nous-mêmes, de notre vision, de notre inconscient. L’existence suffit au principe d’identité. A partir du moment où la chose existe, il y a une continuité d'être de cette même chose, toutes choses égales par ailleurs.

C’est la même chose pour le fœtus. A partir du moment où le fœtus est présent, si toutes les conditions réunies, il sera un bébé quelques mois plus tard.

Ces réflexions me sont venues à la lecture de cette tribune de deux co-présidentes du Planning Familial. Ce que j'y ai lu est sidérant, notamment sur les pro-vies :

 

« Les femmes ne sont plus « mineures », elles pensent et agissent par elles-mêmes, elles sont libres, capables de décider pour elles-mêmes. Il ne s'agit donc plus de personnes victimes, inconséquentes ou écervelées, à mettre sous une tutelle quelconque comme celle du médecin par exemple, quand il est supposé qu'elles ne sont même pas capables de faire bon usage de la contraception et qu'elles avortent !
(...)

CE QUE LES OPPOSANTS AU DROIT DE CHOISIR NE SUPPORTENT PAS

La loi légitime donc les femmes qui prennent leur décision de façon autonome et responsable, en expertes de leur situation (couple quand il existe, nombre d'enfants, situation économique, psychologique, médicale, projets d'avenir et choix de vie …) Certaines hésitent, d'autres pas. Savoir les écouter sans jugement, donner à leur parole toute sa légitimité, permettre et respecter leur décision n'a rien de banal.

C'est reconnaître que les femmes sont autonomes et que cette autonomie peut leur faire refuser l'injonction à la maternité, une maternité sociale qu'elles rejettent en décidant d'arrêter un processus biologique en cours, la grossesse. C'est ce que les opposants au droit de choisir ne supportent pas ; ce droit donné aux femmes de choisir d'être mères ou pas, cette transgression qui subvertit les normes du genre féminin !

Le vécu des femmes décidant d'avorter est peu étudié en France souligne le rapport 2010 de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l'application de la loi de 2001. Cette absence de données ouvre la brèche aux discours alarmistes véhiculant qu'il est impensable qu'une femme ne puisse pas vivre une IVG sans en être traumatis
ée. »

Plusieurs choses dans ces quatre paragraphes auxquels je vais répondre :
- l'autonomie de la femme
- l'écoute
- l'idée du caractère social de la maternité et de la transgression de celle-ci
- le traumatisme de l'IVG

Premier point : l'autonomie de la femme.

C'est bien simple, personne n'est jamais complètement autonome. Mais oui, celle-ci est un bien. On peut tout à fait reconnaître comme un progrès des moyens plus importants pour le contrôle de sa vie. Encore faut-il l'amorce d'un dialogue pour les décisions impliquant le couple, et non une seule des deux parties. Mais le fait que les femmes ne soient plus mineures est clairement un progrès, les coprésidentes du planning ne comprennent visiblement pas que les conservateurs ne s'inscrivent plus du tout dans ce cadre, ils se contentent juste de rappeler que le fœtus existe. Si je peux me permettre de faire une interprétation à portée psychanalytique, les deux coprésidentes s’inscrivent dans un cadre où l'IVG a été vu et perçu par les femmes comme un moyen pour se soustraire à la domination masculine, pour ne pas subir les conséquences d'une grossesse non désirée, mais elles ont tort, car même si l'actualité est encore brûlante à ce sujet autour du mariage pour tous, le conflit sur l'IVG ne rentre pas dans ce cadre. Tout du moins pour les opposants.

Me semble-t-il, si les féministes ont raison de se battre contre la domination masculine, elles ont tort de le faire via le moyen de l'IVG. Et ce, même si, très profondément et très subjectivement l’IVG est parfois perçu comme un « acte d’amour ».

Deuxième point : l’écoute.

« Savoir les écouter sans jugement, donner à leur parole toute sa légitimité, permettre et respecter leur décision n'a rien de banal. »

Personne, surtout pas les anti-IVG ne peut être en désaccord avec ceci. Le seul souci étant de distinguer dans quel cadre ce respect de la décision est implémenté. La femme est-elle dans un cadre qui lui propose TOUTES les solutions ou uniquement une partie d'entre elles ? A ce sujet, personne n'est complètement objectif, le planning familial ou les associations pro-vies. Oui, celui qui écoute va vouloir orienter, même subrepticement dans un sens ou un autre. C'est la raison pour laquelle on a inventé, en sciences, la remise de médicaments en double aveugle (le médecin qui donne le produit en test ou le placebo ne sait pas la nature de celui-ci au patient expérimentateur), les signaux inconscients du médecin pouvant orienter l'issue de l'expérience.

Or, comme le dit Tugdual Derville, si l’État faisait correctement son travail, ce ne sont pas à des associations partisanes de proposer l'accueil en faveur de l’IVG (mission auto-proclamée du planning) ou des foyers d’accueil (ce qu’il se fait de mieux chez les associations pro-vie. Adresses ici). Il y a probablement des gens qui font des efforts importants des deux côtés. Mais encore faudrait-il que l’information soit équitablement répartie pour que le choix se puisse faire le mieux possible. Permettez-moi d’en douter.

Troisième point : la maternité sociale.

Écartons une attaque évidente d'emblée. Oui, chez bien des cathos conservateurs anti-IVG, il y a une vision de la femme, il y a des fonctions qui lui sont dévolues. Vous reconnaissez là l'argument, assez juste, des études de genre. Oui, inconsciemment, ça existe, comme beaucoup d'autres choses. Mais ce n'est pas parce que ces éléments existent (chez qui d'ailleurs n'y aurait il pas ces éléments de rôle de la féminité ou masculinité ?) que sur l'IVG, c'est leur principale motivation, comme l’affirment les présidentes du planning. En fait, ces femmes ne font que parler de leur peur la plus profonde, qui est de (re)tomber sous la coupe de mâles « dominants », qui a été leur combat des années 60/70. Si cette crainte est fondée, le passé étant douloureux à porter, elle n’est plus d’actualité (même si on n’a jamais fini de travailler à l’équité entre les sexes).

Je le répète pour être tout à fait clair. L'opposition à l'IVG ne s'articule pas seulement autour d'une vision idéalisée et fantasmée de la femme, mais aussi et surtout autour de l'existence d'un embryon, et de la nature de celui-ci.

Il est évident que les catholiques les plus conservateurs n'aiment pas forcément l'idée que la femme refuse son statut de mère, ce qui est effectivement son droit le plus strict. Mais là encore, c'est utiliser l'argument de l'homme de paille que de considérer que c'est là leur seule motivation. Le choix de ne pas être mère, dans un monde idéal, doit être respecté. Mais ce choix ne peut se faire au détriment d'un autre être, le fœtus. Le vrai débat est donc tout naturellement le statut accordé à ce fœtus.

Venons-en donc à cet argument. Certains nous disent qu'il n'a pas d'importance. Qu'il n'a pas la vie. OK

Je me contenterai de rappeler que l'infanticide, l'avortement de filles dans des cultures patriarcales marquées, comme l'a rappelé le cardinal Barbarin qui arrive en Grande Bretagne. Mais puis-je me permettre de rappeler, si le fœtus n'a pas d'importance, en quoi ces avortements ciblés de manière eugénique posent un problème ? Si vous reconnaissez que le fœtus n'a pas d'importance, c'est que vous projetez une domination masculine sur quelque chose qui ne sont pas des êtres. Partant, le discours de celui qui souhaite à la fois éviter les avortements sélectifs de filles, mais qui accepte l'IVG, sans voir qu'une vie est en jeu, est incohérent.

Et inconsciemment, les opposants à l'eugénisme partent du principe que le fœtus a le potentiel certain d'une personne humaine. Ils font exactement ce que font les pro-vies.

Luc Boltanski (que je n’ai pas lu), sociologue cher à Franck Lepage, a dénoncé, dans son livre le Nouvel Aspect du Capitalisme, le mot "projet" complètement incritiquable parce qu’impliquant ce qu’il a de meilleur dans la personne réalisant ce même projet. Il a fait de même dans son projet la Condition Fœtale où il a visiblement critiqué le fœtus-projet, c'est-à-dire un fœtus dont l’existence n’est validé à posteriori que par l’apparition d’un « projet » chez ses parents. Et ça a le don d’énerver certains.

Mais le mot projet, la projection de l'esprit, s'il est la condition pour l'individu de bouger et de se mettre en mouvement, il n'est pas pour autant la condition de l'existence de ce qu'il vise. L'existence de la cible du projet est ou n'est pas. J’ai le projet de construire une maison, je commence à la faire, je finis par la construire, mon projet s’est concrétisé et a acquis une existence indépendamment de la mienne. Pour l’être humain, c’est pareil, et ça commence dès la conception. La notion de "foetus-projet" vs "foetus-non désiré" n'a donc AUCUN sens.

Quatrième point : le traumatisme

Là encore, le renvoi systématique à la culpabilisation de la société est en partie vrai, mais est essentiellement erroné. Après un stress post traumatique, aucun thérapeute digne de ce nom ne renverrait la faute sur la société AVANT le choc provoquant le traumatisme. Bien sûr qu'il s'est passé des choses, mais le choc a là encore une existence per se, indépendamment de ce qu'il s'est passé avant. L'IVG existe, car l'embryon existe, et il a un impact sur la psyché de la femme. Impact soit minime, soit normal, soit important. Personne, chez les pro-vies, ne part avec l’idée d’en faire baver les femmes qui avortent et de les culpabiliser, ils sont convaincus que les femmes en sont les secondes "victimes". Et mêmes celles chez qui cela se passe bien, se font parfois rattraper par leurs actes.

Donc, contrairement à l'argumentation éculée des co-présidentes du planning, si la vision du rôle de la femme existe bel et bien chez les opposants à l'IVG, il serait pour le moins présomptueux de croire que ce n'est QUE cette vision-là qui motivent les pro-vies. La seule chose qui les intéresse est l'existence et le statut du fœtus. Tout le reste en découle. Et c'était d'ailleurs l'esprit du premier article de la loi Veil : "La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi."

Rédigé par Polydamas

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H
&quot;Mais le mot projet, la projection de l'esprit, s'il est la condition pour l'individu de bouger et de se mettre en mouvement, il n'est pas pour autant la condition de l'existence de ce qu'il vise. L'existence de la cible du projet est ou n'est pas. J’ai le projet de construire une maison, je commence à la faire, je finis par la construire, mon projet s’est concrétisé et a acquis une existence indépendamment de la mienne. Pour l’être humain, c’est pareil, et ça commence dès la conception. La notion de &quot;foetus-projet&quot; vs &quot;foetus-non désiré&quot; n'a donc AUCUN sens.&quot;<br /> Et donc...?<br /> Et alors...?<br /> je m'étonne de trouver la référence a du sens dans leur s propos. Il ne s'agit pas de sens, ni de rationalité. Il leur faut surtout maintenir introduire leurs fantasmes et maintenir leur réalité.<br /> <br /> Pour ce qui est de l'avortement, mon avis est simple: s'il y avait une seule chance sur des milliards pour que l'union d'un homme et d'une femme n'engendre pas un bébé, n'engendre pas un être humain, alors je pourrai comprendre les points de vue pro-IVG. Mais à partir du moment où cette union aboutit nécessairement à un être humain, l'avortement est un meurtre. Car un être humain est un être humain. Peu importe qu'il soit en devenir et pas encore conscient. S'il l'est, il l'a toujours été. Son évolution n'a jamais appartenu à une autre évolution que celle d'un être humain. Et on ne peut pas décréter le moment où l'on devient humain. C'est comme pour leur mot magique:&quot;projet&quot;. Comme si l'existence d'un être réel pouvait dépendre du fait qu'on puisse lui parler ou pas, qu'il se manifeste ou pas. Ces adultes ressemblent à des enfants en bas âge: &quot;quand je mets mes mains sur mes yeux, la réalité disparaît, elle n'existe plus&quot;<br /> <br /> Je crois que nous traversons une ère de profonde crise de la raison, peut-être plus encore qu'une ère de perte de &quot;valeurs&quot;. Et je constate de plus en plus la difficulté de discuter rationnellement avec les personnes politiquement à gauche
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P
http://madame.lefigaro.fr/societe/the-sunday-assembly-eglise-sans-dieu-270714-899197<br /> <br /> <br /> <br /> une église sans sa risque de vous plaire regardez le lien polydamas
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V
Quelques bibliothèques en ligne :<br /> <br /> http://www.freepdf.info<br /> http://www.balderexlibris.com<br /> http://www.histoireebook.com<br /> http://www.aryanalibris.com<br /> http://www.pdfarchive.info<br /> http://www.the-savoisien.com
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H
LOL
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A
Merci pour l'argumentaire sur le foetus. Je n'y avais jamais pensé, et pourtant c'est d'une limpidité aveuglante.
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