Pour une véritable politique de l'immigration
Publié le 15 Février 2021
Fil rédigé sur Twitter en janvier 2020.
Pierre Brochand, haut fonctionnaire, ancien directeur de la DGSE, a donné dans un très long discours son avis sur une véritable politique migratoire. Constat, forces en présence, chiffres, mesures à prendre, tout y est.
Ce texte a été cité par Zemmour fin 2019 dans une de ses émissions. Il est effectivement intéressant et démontre que la seule chose dont on manque est de volonté politique. Le début est un peu abscons avec des définitions des processus historiques et des strates politiques (communauté, État, société individualiste) mais la suite est nettement moins sophistiquée et beaucoup plus directe.
Pour ceux qui n'ont pas envie de parcourir tout le texte, la partie des mesures à prendre est la huitième. Pour lui, il faut arrêter de prolonger les 4 millions de visas temporaires, sans autre forme de procès. Il suggère une loi à portée constitutionnelle à valider par un référendum.
Il montre bien que l'Etat est pris en sandwich, par le bas, avec des communautés étrangères, des diaspora, et par le haut avec une société d'individus aidée par la justice pour mettre en œuvre leurs revendications et défaire l’État. Connaissant son sujet, il évoque le fait que la première vague d'immigration est largement repartie, ce qui n'est pas le cas des vagues suivantes.
« Dans la mesure où la culture, ainsi cernée, est porteuse de différenciation, elle crée inévitablement de la distance entre les groupes, de sorte que l’expression « distance culturelle » est au fond pléonastique. »
« D'après Paul Collier, 10 immigrés installés en font venir 7 autres par le jeu du droit (regroupement familial, mariages, études, naturalisations) et ces 17 en appellent 12 autres, et ainsi de suite à l’infini, comme dans une pyramide de Ponzi, dont il faut payer la note. »
Il montre tous les trucs utilisés pour faire passer la pilule de l'immigration.
« Réfléchir en notion de solde migratoire qui remplace celle de flux d’arrivée sans la moindre interrogation sur la composition de ce solde : Français qui s’en vont, étrangers qui arrivent. »
L'insistance sur le « grand nombre de mariages « mixtes » qui illustrerait la soif de métissage de la société française (alors qu’elle se borne à dénombrer les unions entre « Français » et « étrangers », dont la grande majorité se révèle en fait intra-communautaires). »
« La référence au nombre d’étrangers (« qui n’augmente pas... »), plutôt qu’à celui des immigrés (qui augmente...). »
Et enfin, le "raisonnement à la moyenne (soit pour écrêter, au niveau national, des statistiques explosives au niveau local, soit pour normaliser ce qui pourrait choquer, comme le différentiel de fécondité entre « autochtones » et « allochtones »)."
Il parle des décisions de camouflage des statistiques de drépanocytose (il me semble que c'est la première fois qu'un haut fonctionnaire pas spécialement à l'extrême-droite l'évoque), et de la disparition de l'Institut national des violences urbaines. Rien que le vocabulaire utilisé révèle la gravité des choses, en creux.
Il affirme qu'il y a dix millions d'immigrés au minimum, mais on sent que pour lui, il y en a beaucoup plus.
Sur ces populations, selon lui, 5% sont assimilables, 30% intégrables, 20/25% reste tel quel et ne bougera pas, et le solde, 40%, est très, très hostile à la France.
Les 31 mesures (numérotées dans le texte) à mettre en place d'urgence sont les suivantes.
Étant entendu que tout commence par de la communication, c.-à-d. des signaux non équivoques indiquant que le vent a tourné (mesure 1). Car, on l’a dit, pour un immigré, le choix de la destination finale est toujours le fruit d’une décision. Y compris dans le cas des réfugiés authentiques, puisqu’ils proviennent tous de territoires dont aucun n’est limitrophe du nôtre. L’immigrant se dirige donc, sous l’effet d’un bouche à oreille démultiplié par les smartphones (dont ils sont tous munis...), vers le maillon le plus faible, c.-à-d. le plus ouvert et généreux, de la chaîne des pays d’accueil.
C’est pourquoi, soit dit en passant, il conviendrait d’établir le principe que toute demande d’asile doit être présentée auprès de la représentation diplomatique ou consulaire française, dans le premier pays d’accueil, voisin de celui que l’on fuit (2). J’ai pu moi-même observer la remarquable efficacité de cette méthode, ayant eu la responsabilité de superviser, au sein de l’ambassade de France en Thaïlande, l’octroi de visas aux réfugiés d’Indochine qui s’y pressaient à la fin des années 70.
* Ceci posé, et le terrain ainsi préparé, il est possible d’envisager la réduction des flux d’arrivée par des mesures directes ou indirectes.
Parmi les premières, on pourrait commencer par ne plus régulariser les illégaux « à l’usure » (3), comme l’habitude en a été prise au bout de 5 ans de présence, soit 20 à 40 000 légalisations annuelles effectuées en catimini.
D’une manière générale, il n’y a d’ailleurs aucune raison de « récompenser » l’illégalité par l’octroi d’un quelconque avantage ou prestation, Aide Médicale d’État comprise (sauf urgences, bien entendu) (4) : il en va d’ailleurs au moins autant de la cohérence de la politique d’immigration que du respect général de la loi sur le territoire, lequel ne se divise pas.
Toujours dans le but de réduire les flux, on peut mettre des conditions à leur composante la plus importante – le regroupement familial –, en testant des procédures de plafonnement par listes d’attente étalées dans le temps (5) et par l’allongement du délai à partir duquel cette faveur peut être accordée (10 ans ?) (6). Car il s’agit bien d’une faveur, dès lors que, en supposant acquis son principe, il n’y a aucune raison pour qu’il ne puisse s’effectuer qu’en France : si l’immigré y tient vraiment, il peut tout aussi logiquement le provoquer par retour au pays d’origine. D’ailleurs, les Français ne s’y trompent pas, qui sont à 57 % partisans de la suppression pure et simple de cette procédure (IFOP, 2017).
Il n’est pas, non plus, impensable de contingenter à des niveaux inférieurs – le cœur serré, mais la main ferme – le nombre d’étudiants provenant des pays dont les diasporas sont les plus nombreuses (7). Là encore, en tant qu’ancien directeur général des relations culturelles au Ministère des Affaires étrangères, je peux vous assurer que, par-delà les discours ronflants sur le rayonnement intellectuel de la France, beaucoup reste à faire pour éviter que cette filière ne constitue une voie d’immigration clandestine (alors même que le nombre d’étudiants accueillis, dont une moitié d’Africains, augmente à la vitesse grand V).
Pour la même raison – le fait que l’immigration illégale arrive moins par la mer et les montagnes qu’elle ne s’installe par extension indue de séjours légaux –, il conviendrait de restreindre les visas touristiques accordés aux ressortissants de pays à risque (8) (dont aucun ne figure parmi les dix plus gros générateurs de recettes touristiques).
Afin d’atténuer les « appels d’air », il s’agit aussi de diminuer la capacité d’attraction sociale de notre pays, non seulement vis à vis des illégaux, mais également des étrangers en situation régulière, en différant dans le temps l’attribution de prestations sociales non contributives et/ou non liées à une activité productive (RSA, aide au logement, etc.) (9), ou en attribuant à tous, Français compris, des allocations familiales limitées à trois enfants pour un même père ou une même mère (10) (afin notamment de mettre un terme au pur scandale de la polygamie de fait dans certaines familles d’Afrique sub-saharienne). Et, encore, suis-je en retrait par rapport aux 67 % de nos compatriotes, qui sont partisans de réserver APL et allocations familiales aux seuls Français et ressortissants de l’UE (IFOP, 2015).
* Quant à réduire la taille des diasporas, ou du moins interrompre leur croissance continue, il faudrait commencer par bannir ce terme toxique du langage officiel, où il s’est récemment introduit, comme, d’ailleurs, celui de communauté, utilisé couramment par ministres et politiques depuis la fin des années 80 (le Président Mitterrand remerciant les « communautés » juives et musulmanes pour leur comportement irréprochable pendant la première guerre du Golfe ) (11).
On peut ensuite agir soit en favorisant les départ hors de France, soit, au contraire, en usant d’injonctions plus fermes à l’intégration (voire, si l’on prend son courage à deux mains, à l’assimilation).
Pour inciter à quitter le territoire ceux qui n’ont pas vocation à y rester, il serait loisible de ne pas renouveler systématiquement à expiration les 4 millions de titres de séjour en cours de validité, par une décision souveraine d’une simplicité biblique, que personne n’évoque jamais (12). L’application de ce type de mesure serait sans doute facilitée par le retard à l’allumage imposé au regroupement familial, que je viens d’évoquer.
Au premier rang de ces refus de prolongations figureraient ceux des étrangers ayant eu maille à partir avec la justice et même l’administration en général (13), les plus graves de ces infractions étant sanctionnées d’une expulsion, soit le retour de la fameuse « double peine », que la novlangue a transformé en pratique honteuse, alors qu’elle me paraît – comme à 84 % des Français (IFOP, 2015) – chose la plus naturelle (14).
Un goulot d’étranglement à l’application de ces réformes tient évidemment aux réticences des pays de départ à récupérer leurs nationaux immigrés illégaux, en leur délivrant des laissez-passer : je pense qu’un des leviers pour les y inciter plus fortement serait de pratiquer un rationnement des visas à l’égard de ces pays, mais plus particulièrement vis-à-vis des élites et de leur progéniture, afin qu’elles mesurent mieux le prix que nous attachons à cet enjeu, avant de rejoindre leurs appartements parisiens (15).
Un grand pas en avant serait également accompli, si l’Europe s’engageait à financer un vaste plan de développement de l’état-civil et de distribution de pièces d’identité infalsifiables en Afrique sub-saharienne, du type de celui que l’Inde, pays de plus d’un milliard d’habitants, a réussi à mener à bien (16).
Pour ce qui est des incitations/injonctions à l’intégration/assimilation, il ne devrait y avoir aucun mal à les rendre plus fermes.
Afin de contrer les débordements du religieux, qui s’y opposent, le biais de la laïcité demeure sans rival, car, du fait de son ambiguïté (neutralité de l’État, de l’espace public ou de la société ?), il est le seul qui permette de jeter un pont inavoué entre les « valeurs de la République », elles-mêmes terriblement équivoques (mais tenues pour politiquement correctes) et les mœurs prévalant au sein de l’État national français depuis au moins 200 ans (référence considérée, elle, comme politiquement incorrecte). En effet, si la puissance publique n’a rien à professer, il n’est pas contraire aux droits de l’homme qu’elle puisse se montrer normative quant à la pratique sociale des religions.
Ainsi, au nom d’une « laïcité » active et d’une vision large de l’ordre public, on peut se fixer des objectifs très divers : ne plus autoriser le foulard à l’université, tout en l’interdisant aux mineurs (17), prohiber le financement étranger des lieux de culte et les prêches en langues autres que le français (18), étendre la pratique des « testings » effectués par le Défenseur des droits – jusqu’ici réservés aux discriminations à l’encontre des « minorités visibles » - aux débits de boisson de facto interdits aux femmes et au port de certaines tenues vestimentaires féminines, jugées trop « françaises », dans certains quartiers (19), etc.
Pour encourager l’allégeance nationale, il me paraîtrait judicieux de faire de l’enseignement chronologique du Récit national l’un des piliers de la scolarité du primaire (20). Tout comme il est urgent de mettre un terme définitif à l’absurdité scandaleuse des ELCO (enseignement des langues et cultures d’origine), même transformés en section internationales (au niveau du CE1 !), qui consiste, pour des descendants d’immigrés, entre autres Maghrébins, à apprendre la langue et les cultures de leurs parents, alors même qu’ils ne maîtrisent pas le français et ignorent tout de la culture française. Il serait cohérent de cesser les subventions publiques aux associations qui enseignent les langues d’origine (21). Dans le même esprit, quelles objections peut-on opposer à l’uniforme obligatoire dans le primaire et au collège, que cela plaise ou non aux parents ? (22)
Concernant l’accès à la nationalité – très important, car, une fois ce seuil franchi, l’impunité juridique devient totale –, il n’y a aucune raison valable pour faire du droit du sol un marqueur de la République, encore moins de la tradition française (car si on invoque celle-ci dans un domaine, pourquoi pas dans d’autres ? ) : en fait, si je comprends bien, ledit droit du sol a été introduit au XIXème siècle pour piéger les descendants d’étrangers résidents qui fuyaient la conscription. Il n’y a donc aucune justification métaphysique à le conserver en tant que tel (23). 56 % des Français partagent ce sentiment (IFOP, 2017).
En toute hypothèse, l’acquisition de la nationalité française par une personne étrangère n’est ni un droit, ni un dû. Elle doit, en toute hypothèse, être le résultat d’un acte volontaire d’adhésion, en forme de serment d’allégeance (24), condition nécessaire, éventuellement suivie d’une période probatoire, assortie de conditions suffisantes, tel un niveau de connaissance élevé de la langue et au moins élémentaire de l’Histoire de France (25). 82 % des Français souhaitent ce renforcement des critères d’obtention de la nationalité. Fort de cette approbation, on pourrait faire passer le nombre de nouveaux Français de 100 000 à 20 000 par an.
Dans le même esprit, il n’y aurait aucun inconvénient à retarder jusqu’à 10 ans la possibilité de devenir Français par mariage (26). Et, si l’on n’a vraiment plus peur de rien, on peut aller jusqu’à envisager la suppression de la double nationalité hors UE et, ce faisant, amener ceux qui la possèdent à faire un choix (27), au passage lourd de conséquences pour certaines équipes africaines de football, en faveur desquelles plusieurs joueurs de nationalité française ont déclaré avoir fait le « choix du cœur » (formule stéréotypée, utilisée à l’envi pour justifier leur geste, mais qui en dit long a contrario sur la nature de leur attachement à la France).
Si l’on tenait à conserver ce signe objectif de double allégeance, il serait loisible de faciliter la déchéance de nationalité, en multipliant les cas de figure et en assouplissant la procédure (28). De même, suivant en cela le gouvernement algérien, pourrait-on réserver certains postes de très haute responsabilité aux simples nationaux (29).
- Si toutes ces dispositions s’avéraient insuffisantes ou, plus probablement, impossibles à mettre en œuvre, il conviendrait de passer à la vitesse supérieure, afin que l’entité France recouvre, au moins partiellement, mais au besoin unilatéralement, sa souveraineté dans un domaine où il en va de sa sécurité intérieure, objectif premier car condition de tous les autres. Ce qui exigerait la renégociation, voire la dénonciation, des textes européens (Convention européenne des droits de l’homme, directives de l’Union) ou internationaux (pacte de Marrakech) qui s’interposent sur le chemin de cette souveraineté retrouvée (30).
- J’ajouterai, en tant qu’ancien diplomate, nourri au lait de la « realpolitik », qu’il me paraîtrait judicieux de dissocier totalement le traitement de l’islam, en tant que religion intérieure à notre pays, et l’Islam, comme enjeu de notre politique extérieure : bien que je conçoive que notre époque ne soit plus celle de François Ier, je crois néanmoins indispensable que ces deux volets soient gardés le plus étanches possible (31).
Ce qui impliquerait que les turpitudes du wahhabisme ou du « frérisme » ne nous soient plus renvoyées au visage chaque fois qu’il en va de l’intérêt national de conclure un accord avec l’Arabie Saoudite ou la Turquie, mais qu’inversement celles-ci s’abstiennent de toute interférence avec la pratique de l’islam ou le comportement de leurs ressortissants à l’intérieur de nos frontières.
Autrement dit, une trentaine de mesures qui reviendraient à nous mettre à dos la terre entière ! À commencer par les « groupes de veto », auxquels j’ai fait référence – experts, intellectuels, médias, ONG, juges –, producteurs et gardiens vigilants de l’idéologie de l’inaction et de l’indignation.
Si je devais émettre une réserve, je dirais que Brochand est tout de même l'archétype du gars aux responsabilités toute sa vie qui ne dit la vérité, dans sa dure crudité, qu'une fois parti des affaires. On en trouve à la pelle chez LR. Des élus retraités qui ne parlent franchement qu'une fois à l'abri, en retraite. C'est un peu rageant qu'ils n'aient jamais le courage de dire les choses en poste.
PS : Enfin, je dois dire que mon fil a eu son petit succès, car après que Zemmour en ait parlé, je recherche le texte, le sors, FdSouche le relaye, Valeurs Actuelles écrit un papier, (suivi d'un entretien un mois plus tard) et Marine Le Pen le cite.
Eugénie Bastié a traité ensuite le sujet ici.