L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau.

Publié le 3 Mai 2008

undefinedC’est à un curieux voyage que nous invite le Dr Sacks dans ce qui fut l’un des best-sellers de la vulgarisation médicale. Divisés en quatre parties Pertes, Excès, Transports et Simples d'esprit, ce livre est une présentation des pathologies les plus bizarres et significatives qui peuvent affecter l’être humain, dans le domaine de la neuro-psychologie.

En premier lieu, nous est présentée l’histoire d’un homme analysant son environnement de manière complètement analytique, sans la capacité d’établir un seul jugement, tel un ordinateur. Ce qui donne l’occasion de situations pour le moins cocasses, si elles n’étaient pas aussi dramatiques. L’homme est incapable de reconnaitre en un gant autre chose qu’une « surface continue repliée sur elle-même dotée de cinq excroissances de tailles différentes » et quand on lui en demande l’utilisation, il pense à un porte-monnaie. Parfaitement capable de jouer aux échecs, il est cependant dans l'incapacité totale de reconnaitre les gens autour de lui autrement que par des petits détails lui permettant d'identier à qui il a affaire. Exactement comme un ordinateur.

Autre cas qui illustre la grande complexité du corps humain, une femme qui a perdu la proprioception. Ce terme barbare recouvre tout simplement le sens de l’appropriation de son propre corps. Ce qui donne lieu à de curieuses scènes chez ceux qui ont perdu ce sixième sens. Ainsi, des patients vont tenter d’éjecter la jambe qui se trouve dans leur lit, et qui pour eux, ne leur appartient pas, et qui vont même, pris de panique, se demander où est passée leur vraie jambe. Ils sont contraints, pour faire le moindre geste, de suivre le membre qu'ils commandent avec les yeux afin de le contrôler. Par exemple, si cette femme ne suivait pas des yeux sa main prenant un couteau, il pouvait lui arriver de serrer ce couteau jusqu’au sang, sans s’en rendre compte.

Mais c’est aussi un livre d’espoir et de vie, qui montre que le handicap lève peut-être des barrières, mais que l’humain, via divers trucs et astuces, peut arriver à franchir. Témoin ce vieillard ayant perdu le sens de l’équilibre et marchant complètement penché sur la droite. Prenant conscience de son état en regardant un miroir, il inventa peu après des lunettes lui permettant de vérifier l’horizontalité de sa démarche, l’aidant ainsi à se corriger. On a aussi l'exemple d'un homme chez qui l'odorat était devenu celui d'un chien, extraordinairement développé, parvenant à sentir chez ses interlocuteurs, la peur, le désir, etc.

On découvre aussi que certains simples d'esprit, comme Rebecca, se transforment lorsqu'ils sont, par exemple, sur une scène de théatre, exemple qui fait penser à un acteur comme Vincent Lindon, dont les tics sont connus dans la vie courante, mais qui disparaissent totalement dès qu'il est devant une caméra qui tourne. Preuve que l'art peut transcender la technique, que si un handicapé est incapable de compter ou d'analyser, il peut néanmoins posséder une fibre artistique à nulle autre pareille.

Vous ferez donc connaissance avec les aphasies, les agnosies, les amnésies, les autistes. Sur ces derniers, on sait à quel point la vie avec eux peut être difficile, mais également peut être riche en joie, même si ils demeurent dans un monde à part. On a découvert récemment que les trisomiques étaient les personnes les plus adaptées pour établir une communication et donner des consignes aux autistes. Preuve qu'il y a un langage, des formulations, des manières d'être que nous ne partageons pas. Sacks évoque leur sensibilité et leurs moyens de communication qui peuvent nous faire sentir ironiquement, que ce sont nous, êtres à peu près rationnels et sensés, qui sommes les handicapés.

Alors, bien sûr, c’est de la vulgarisation, qui a 20 ans d’âge, les spécialistes trouveront toujours quelque chose à reprocher à ce livre. Reste que pour le grand public, il sagit d'un livre fondateur dans la découverte de la neuro-psychologie et de la complexité du cerveau. Après l'avoir lu, vous ne regarderez plus les handicapés de la même façon.
 

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Pro-vie

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Absolument passionnant. En particulier celui des "champions d'échecs", qui en dit long sur l'incurie intellectuelle des scientifiques quand ils s'aventurent au delà de leurs éprouvettes.
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