A la Pentecôte, avec les marcheurs du pèlerinage de Chrétienté

Publié le 31 Mai 2009

Depuis un quart de siècle, plusieurs milliers de tradis se réunissent à la Pentecôte. Certains à Paris, d'autres à Chartres, pour rejoindre l'autre ville. Dans le sens Paris-Chartres, ce sont les communautés Ecclesia Dei, légitimées par Rome, et dans le sens inverse c'est la fraternité St Pie X qui organise son pèlerinage.

Petit aperçu du Paris-Chartres, dont on retrouve les caractéristiques principales dans le sens inverse. C'est le "pélé", comme on dit dans le milieu. Des mois auparavant, c'est la question lancinante: "Tu fais le pélé ?" "Dans quel chapitre ?". Rendez-vous par excellence de la famille tradie, le pélé, c'est l'occasion de revoir tout le monde, prendre des nouvelles, et surtout prier, souffrir et transpirer ensemble, en bref, de se ressourcer.

A Notre-Dame de Paris, la bénédiction fût rapide. Au petit matin, les pèlerins sont encore à moitié réveillés, à peine conscients de la longue marche à réaliser. Le pèlerinage vers Chartres commence. La marche a un rythme soutenu. Une centaine de kilomètres à parcourir en trois jours implique de ne pas souffrir de retard. Bientôt, la colonne s'avançe sur les chemins sillonnant les champs. Le soleil darde ses rayons pesants sur les pèlerins, rougissant les membres et les visages. Ce n'est pas une manif. Là, nulle revendication, nul sujet de société, aucune animosité, pas de slogans. Rien que la prière, pour Dieu et par la Vierge.

La messe arrive bientôt. Messe chantée en latin sur un autel protégé du vent et des intempéries. Sermon dans le thème de l'année. undefined Et la messe, quelle messe ! Magnifiquement ornementée d'une chorale professionnelle. Ici, c'est le rite tridentin qui au centre, pour la plus grande gloire de Dieu. Et malgré le monde, la chaleur, les conditions, pas une seule communion n'est distribuée dans la main.

Les prêtres sont là, en masse. Les dominicains, la fraternité St Pierre, le Christ Roi, le Bon Pasteur. Tout le monde est là. Les séminaristes sont reconnaissables à leur soutanes noires. Les prêtres également, mais ils portent quasiment tous le surplis et l'étole, signes de leur disponibilité à tout moment pour les confessions. D'ailleurs, personne ne se prive, il faut arriver à Chartres l'âme déchargée de ses fautes. Durant la marche, on ne peut pas les manquer, les prêtres sont entre chaque chapitre, isolés pour mieux préserver le secret de la confession. A chaque coin de bivouac, à chaque pause, à chaque déjeuner, des colonnes improvisées de pélerins se créent pour attendre la confession. Et on y voit des enfants de 7 ans.

On remarque même des séminaristes diocésains présents anonymement dans la foule, en civil. Vision qui rend songeur sur l'intégration des prêtres et des séminaristes diocésains dans la société, quand on constate que leurs homologues dans le rite tridentin portent fièrement la soutane, et se distinguent entre tous. Pourquoi ne peuvent-ils pas être visibles eux aussi ?

Ce qui frappe au prime abord, c'est le jeune âge de la majorité des pèlerins. Des enfants, il y en a partout, ça grouille, ça se dispute, ça se chamaille, ça se bouscule. Les cheftaines n'ont pas assez de mains pour canaliser tout le monde. Et je ne parle pas des ados, dont les chapitres concluent la colonne, et constituent un une partie importante de la colonne.

Les plaines de la Beauce s'étendent à perte de vue. Seules dépassent les bannières, drapeaux, et autres Espoir et Salut de la France, claquant dans le vent, à la suite de Péguy. On pense au chapitre des purs et durs, ceux qui sont là depuis des décennies, qui comptent seulement les pèlerinages où ils étaient absents. C'est le chapitre des Bienheureux Martyrs de Septembre. La particularité de ce groupe est qu'il est présent également dans la marche qui va dans l'autre sens, celle de la fraternité St Pie X, de Chartres vers Paris. Et le dimanche dans l'après-midi, ce chapitre se réunit dans la forêt de Rambouillet, le temps de partager une halte et de se saluer, à l'écart de leur pèlerinages respectifs. Pour rappeler qu'il s'agit des mêmes familles, que le but demeure le même, au service de la Tradition.

C'était déjà un signal particulièrement fort avant la levée des excommunications. Il n'en est que plus pertinent aujourd'hui, au moment où il a été proposé l'union des deux pélerinages. Hélas, pour des raisons de logistique, il est impossible que cela puisse se faire pour le moment. Ce geste de rassemblement este d'autant plus important que le conseil municipal parisien a interdit l'usage du square de Montmartre pour la messe de clôture de la FSSPX, les rejettant sur la place Vauban.

Les chants s'élèvent au fur et à mesure de la marche. Entre les cantiques, on entend de nombreux chants de marche, la plupart à forte connotation alcoolique ou militaire, pour donner du coeur à l'ouvrage. Ailleurs, les chapelets continuent de s'égrèner en méditant sur les mystères du rosaire.

undefined"On serre sur les banières !" Les rappels des chefs de chapitre se font plus pressants, il ne faut pas que la colonne s'étende trop, si l'on veut respecter l'horaire d'arrivée. L'ordre de Malte est présent, réanimant les évanouis, secourant les ampoulés. Les voitures-balais recueillent les éclopés, transportent les fatigués.

Les scouts et les guides passent. Là, ce sont les Scouts Unitaires de France en 4 bosses et rangers. Ici, les Europe et les Catholiques en uniforme impeccable. Là encore, Riaumont en chemises bleues et culottes de cuir. Le Choeur Montjoie St Denis n'est pas loin non plus. Ce sont eux qui préparent la veillée, entonnent le Benedicite.

Et enfin, toutes les chapelles tradies, dans les chapitres au même nom de leur paroisse. Les parisiennes, les versaillaises, de tous les coins de France, chacunes dans son chapitre est en union de prières avec les non-marcheurs. Les étrangers de la Tradition sont là aussi. Des américains, des espagnols, des irlandais qui témoignent de leur attachement au rite tridentin.

  "AMIS PELERINS, BONJOUR !"

Le signal du réveil est gueulé (non, il n'y a pas d'autres termes) dès 5h00 du matin dans les hauts-parleurs du camp. S'il y a quelqu'un qui est haï au pélé, c'est bien le speaker. Une heure plus tard, le démontage des tentes collectives commence, obligeant les pèlerins à se lever. Les premiers ont déjà fait leur toilettes, d'autres sont en train de prendre leur petit-déjeuner composé de pain et de chocolat chaud. Avant de repartir pour la marche.

Le plus dur pendant le pélé, mis à part la douleur aux pieds, c'est la pluie. Dans la forêt de Rambouillet, celle-ci, associée aux milliers de marcheurs, transforme le moindre chemin de terre en torrent de boue, dans lequel la queue de colonne s'enfonce jusqu'aux mollets. Le dimanche soir, à l'arrivée à Gas (le second lieu de camp), est marqué par les génuflexions à la vision de la cathédrale et le Salve Regina entonné à l'occasion. Dans le camp est installé un reposoir devant lequel se relaieront des pèlerins durant toute la nuit. Certains pèlerins prononcent à ce moment des voeux de consécration à la Vierge.

Le lundi se termine par la sortie des champs de Beauce pour entrer dans la ville. Quelques marcheurs de la dernière heure rejoignent le convoi, accompagnant le pèlerinage sur les derniers kilomètres. La cathédrale nous est ouverte, son atmosphère rafraichissante est propice au repos, à la récupération de quelques précieuses minutes de sommeil, avant le début de la messe tridentine, concluant le pèlerinage. A l'issue de celle-ci, il est de bonne tradition, avant de se séparer, et de promettre de se revoir l'année prochaine, d'entonner le magnifique chant de la promesse dans la cathédrale de Chartres, qui en tremble sur ses piliers.

Non, il n'y a pas à hésiter, qu'est ce qu'elle est belle, la famille tradie ! Et en ce qui me concerne, quel honneur et quelle joie d'en faire partie !


Pour un aperçu en images du pélé, c'est ci-dessous.

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Ab Imo Pectore

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P
Cher Polydamas,Si Hérant a raison dans le principe, il a aussi raison dans la pratique. Même si le pélé est un véritable rassemblement familial de la "famille" tradie, c'est avant tout une chrétienté en marche. Ca peut "piquer les yeux", en particulier à ceux - comme moi - pour qui le pélé est au sens propre une affaire de famille, mais ce pélé ne nous appartient pas...L'un sème, l'autre récolte. C'est marqué quelque part dans un Evangile. Sachons nous détacher de cette si belle réalisation, nous n'y avons que notre part humaine, bien peu de choses au regard de ce qui s'est fait et je l'espère continuera à se faire.
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P
<br /> Je suis désolé, mais s'il avait fallu compter avec les cathos modérés pour organiser, mettre en oeuvre, et perpétuer le pélerinage dans sa forme telle qu'il est, je ne suis pas sûr qu'il existerait<br /> encore.<br /> <br /> Pour le reste, oui, nous ne sommes pas parfaits, mais qu'on ne vienne pas emmerder les tradis qui s'y sentent entre eux.<br /> <br /> <br />
H
Merci pour ce billet et les commentaires qui l'accompagnent (enfin presque tous). On s'y croirait (et on aimerait encore y être).Je voudrais juste vous suggérer de ne pas commencer par dire que des "tradis" se sont rassemblés mais plutôt des catholiques (voire des "cathos"). Cela aurait deux avantages, celui de vous distinguer de l'à-peu-près journalistique, d'une part, celui de nous rappeler que notre témoignage n'est pas celui d'une chapelle mais de l'Eglise toute entière, d'autre part.Ce pélé "extraordinaire" a bien vocation à accueillir l'ensemble des "marcheurs de Dieu".ND de la Ste Espérance, convertissez-nous !
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P
<br /> Oui, vous avez raison sur le principe, mais tort en pratique. Ce sont les tradis qui se bougent, qui ont monté tout ça, ont souhaité construire ce pèlerinage, pas les cathos "classiques". On ne<br /> peut pas en vouloir à des gens qui sont nés dans ce milieu de s'approprier l'événement, d'en faire un moment familial entre soi. Parce que ce sont eux qui ont construit ça, qu'on le veuille ou pas.<br /> <br /> <br />
P
Ah, le pélé!Un grand moment, sans aucun doute. Quelle verve dans les descriptions, on s'y croirait. Quant à "Amis pélerins, bonjour"...je m'en retournerais presque dans mon sac de couchage.Choses vues cette année après pas loin de dix ans d'absence. Le style "faf" est toujours présent, mais en quantité moindre et surtout porté par des jeunes ou moins jeunes qui ne se prennent plus autant au sérieux. C'est juste une impression, mais la foi qui anime ces gens a encore gagné en profondeur.Sur le parvis pendant la messe le lundi, un jeune musulman discute avec un prêtre qui assurait des confessions. Le jeune bute sur la folie qu'à ses yeux représente la présence réelle. Le prêtre lui répond qu'il y a 10 000 fous qui adhèrent à cette folie et qui ont marché depuis Paris. C'est la première fois que je voyais un tel prosélytisme de la part de nos amis musulmans. Est-ce paranoïa de ma part ou croient-ils les catholiques si atteints qu'ils pensent pouvoir nous convertir jusqu'au milieu du pélé?Plus tard dans la soirée, arrêté à un feu rouge dans une de ces petites villes de banlieue entre Chevreuse et Versailles, je remarque un panneau indicateur. Il désigne la direction vers "service jeunesse / médiathèque Jacques Brel / café culturel l'estaminet" Quelle brouet désespérant! On n'est pas là sur la même planète que le pélé, c'est sûr.Plus loin dans Versailles, près du pont de chemin  de fer des Chantiers, je vois un groupe de barbus portant djellaba sortir d'un centre culturel islamique. En voyant leur visage empreint d'une violence inouïe, je me rappelle celui du père abbé du Barroux aperçu plus tôt dans l'après-midi au cours de la procession. Ici encore, on n'est pas sur la même planète que le pélé.Entre le post-modernisme banlieusard, le totalitarisme vert et le pélé, j'ai choisi mon camp. Je n'ai pas grand mérite à l'avoir fait, et j'espère juste trouver la force de maintenir ce choix quoiqu'il puisse m'en coûter.Rendez-vous le samedi de pentecôte 2010 sur le parvis de notre dame de Paris.Chartres son-ne, Chartres t'appel-le, "gloironneur" au Christeu-Roi!
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P
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L
Com. n°4 :<br /> Mais non, maître Polydamas, «guignol» est un sobriquet auquel seul un Lyonnais saurait être sensible (on pense à Herriot balbutiant aux émeutiers du 6 Février fort enclins à jeter «les députés à la Seine», que seul le Rhône pourrait accueillir son plongeon). Non, regardez bien : le pseudonyme de votre intervenant, «Robert le Français» suggère une origine francilienne, et de la meilleure. C’est un nostalgique (un descendant ?) de Robert le Fort, comte de Paris, arrière grand père d’Hugues Capet et pourfendeur de Normands. Bref, cet amateur d’authentique tradition médiévale (remonter au IXe, c’est plutôt chic) n’apprécie pas le style tardi-XIXe (Léon XIII) des cantiques, ornements et bannières qui flottent sur les routes de Neustrie chaque année aux Calendes de juin (ou un peu après). C’est en tout cas ainsi que j’interprète son énigmatique commentaire.
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A
Félicitations pour votre description du pélé, émouvante et trés bien écrite (malgré quelques fautes d'ortographe mais chacun sait que "la perfection n'appartient qu'à Dieu")J'ai remarqué que la vidéo montrait beaucoup les chapitres de la région Sud-Ouest. Si c'est vous qui avez filmé, cela laisse supposer que vous en faites partie.Auquel cas, je voulais vous dire que, fidèle lecteur de votre blog, j'étais cette année comme l'année dernière chef du chapitre qui marche en tête de cette région. Si par hasard vous faites partie de ce chapitre, faites moi signe l'année prochaine.UDP.
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P
<br /> Non, ce n'est pas moi qui ait signé cette vidéo, je suis un yvelinois, parisien depuis peu. Par contre, j'ai croisé un ami de cette région, samedi midi.<br /> <br /> Pour les fautes, je crois en avoir retiré quelques unes...<br /> <br /> <br />