Le logement social en France

Publié le 29 Mars 2009

Parmi les commentateurs non blogueurs de qualité,  quelques noms me viennent en tête: Vhp, Denis I,
et bien sûr, un intervenant qui se fait régulièrement remarquer pour la qualité de ses interventions, Robert Marchenoir. Or ce dernier vient d'intégrer la fine équipe d'ILYS et c'est une bonne nouvelle. Tous ses billets sont réunis ici.

Voici ce qu'est capable de pondre le personnage, ce sont des textes extrêmement bien ficelés, j'en suis, pour ma part, très admiratif. XP avait commencé avec ce commentaire remarquable, on pourrait en trouver bien d'autres. Il est dommage de laisser des textes pareils dans l'obscurité des commentaires.

Tel est le cas du logement social en France:

La situation du logement dit social en France est aberrante, indépendamment de l’immigration. Les vrais chiffres qui permettent de la comprendre ne sont pratiquement jamais évoqués dans les médias. Ils sont pourtant disponibles pour qui s’en donne la peine.

Je n’ai pas le temps de vous les retrouver un par un, mais la synthèse du problème est la suivante (en 23 points — eh oui, ce commentaire va être long; il y a des problèmes complexes qui ne s’expliquent pas en deux-trois slogans…).undefined

1. Il y a beaucoup trop de logements sociaux en France. Je répète, au cas où certains auraient cru à une erreur: on ne manque pas de logements sociaux; bien au contraire, il y en a trop.

2. Le pourcentage des locataires, en France, qui habitent dans un logement communiste (c’est à dire qui sont logés par l’Etat, c’est à dire qui habitent un logement social) est absolument effarant (de l’ordre de 40%, si je me souviens bien).

3. La vocation normale du logement social, si tant est qu’il doive exister dans un pays, est de loger la petite minorité de gens qui ont tellement peu de revenus qu’ils ne peuvent s’en sortir par eux-mêmes; et de le faire temporairement (un an, deux ans), le temps que ces personnes puissent sortir la tête de l’eau et réintégrer le secteur privé.

4. Ces deux conditions sont à l’opposé de la situation française, où être logé par l’Etat est considéré comme un drouadlôm, au point que cela a été inscrit dans la loi par un gouvernement prétendu de droite.

5. Comme cela a été indiqué par Moi Mad, sur le papier, la majorité des Français a droit à un logement social. Cela seul devrait mettre la puce à l’oreille, et faire comprendre que le système tel qu’il est conçu est aberrant: on ne peut pas concevoir qu’une majorité de Français soit “pauvre” au point qu’elle doive être secourue par l’Etat pour se loger.

6. Les locataires de logements sociaux ont, en majorité, des revenus corrects. Ce ne sont pas forcément des riches, mais ce ne sont pas des pauvres non plus. En revanche, les vrais pauvres, ceux auxquels les logements sociaux devraient être destinés, en principe, sont sous-représentés.

7. Les gens restent très longtemps dans un logement social — beaucoup trop longtemps. Le taux de rotation est très faible. Normal: on ne renonce pas aisément au privilège d’un loyer deux ou trois fois inférieur au prix du marché.

8. Les locataires dont le revenu a dépassé le seuil admissible pour avoir droit à un logement social restent en place. Les surloyers, prévus en pareil cas, sont très rarement appliqués.

9. Les frais de gestion des logements sociaux sont bien plus élevés que ceux des logements privés. C’est aberrant sur le papier, puisque des logements “de pauvres” devraient coûter nettement moins cher (en entretien, en parties communes…) que les logements “de riches”.

Mais on retrouve là une loi qui se vérifie partout: le secteur privé est plus efficace, moins gaspilleur, que le secteur public. La différence s’explique, entre autres, par la corruption: un organisme HLM, n’étant pas soumis à la loi du marché, sert à fournir des postes (bien) rémunérés à des amis politiques.

L’argent de la corruption est de l’argent volé à tous les citoyens, et en particulier aux plus pauvres.

10. Il existe une incitation, pour les organismes de HLM, consubstantielle au système, à favoriser les locataires les plus aisés, et à fermer les yeux sur le non-respect des règles d’attribution et de maintien dans les lieux. Un “pauvre” a plus de chances d’être un mauvais payeur.

Or, il est très difficile d’expulser un mauvais payeur d’un HLM, encore plus que dans le secteur privé: son dossier se retrouverait aussitôt devant le maire… qui fait tout pour être être réélu.

11. On connaît des cas (région parisienne, mairie communiste), où des “locataires” de HLM ont cessé de payer leur loyer pendant dix ans et plus. Expulser des “pauvres” étant fâchiiisse, ce genre de situation est presque inévitable.

12. Le logement locatif privé est rare, cher, et régi par des pratiques ultra-sélectives. Puisque la loi rend extrêmement difficile et coûteuse l’expulsion d’un mauvais payeur — et interdit, sauf rares exceptions, de se débarrasser d’un locataire une fois qu’un bail a été signé — cet état de fait est inévitable.

13. Par conséquent, la demande de logement locatif qui ne peut être satisfaite dans le privé se reporte sur le logement pseudo-social — qui n’est autre qu’un logement d’Etat. L’écart de prix étant énorme, la demande de logement social est, et restera, infinie par rapport à l’offre.

Aucun programme de “construction de logements sociaux”, aussi massif soit-il, aucun “plan Marshall” ou autres rodomondates politiciennes et revendicatives ne saurait remédier à ce déséquilibre de la demande par rapport à l’offre.

14. Ceux qui vivent dans des logements massivement subventionnés, et qui ont été formatés par un siècle de propagande à tout attendre de l’Etat, n’ont naturellement pas tendance à se considérer responsables du lieu où ils vivent. D’où négligences, incivilités, dégradations, actes anti-sociaux, qui pourrissent la vie de tous.

En réaction, les stato-gauchistes prétendent éternellement que l’Etat “n’en fait pas assez”, et la boucle est bouclée. Le puits sans fonds de la dépense publique inefficace se creuse toujours plus.

15. Comme le marché du logement social ne peut être régulé par le prix, il est régulé par la corruption et la magouille. Pour se faire loger en HLM, il faut être bien vu de la mairie, de l’assoce qui est dans les petits papiers du maire, connaître Chose ou Machin, etc.

Cela détruit le “lien social” et le “vivre-ensemble” — expressions que je déteste vu l’usage qui en est fait par la gauche, mais qui correspondent néanmoins à une réalité.

16. Comme dans tous les cas où un Etat socialiste prétend s’affranchir massivement des lois du marché, ce dernier se venge par des pratiques illégales.

Moi Mad a cité le cas d’un locataire en HLM propriétaire de trois appartement de rapport. De tels contournements sont multiples et inévitables. Grâce à la géniale politique gauchiste de “mixité sociale”, je connais un locataire de HLM dans un quartier chic de Paris qui arrondit ses fins de mois en louant son logement à des visiteurs étrangers, au noir, à la semaine, aux prix du marché touristique.

Quand on prétend aider les pauvres en créant des déséquilibres énormes par rapport aux prix du marché, ce ne sont pas les pauvres qui en profitent: ce sont les petits malins qui détournent le système, et qui volent l’argent public — c’est à dire celui des pauvres.

17. Comme l’Etat s’arroge le monopole du marché du logement locatif courant (le prétendu logement social), les promoteurs privés, victimes de concurrence déloyale, se désintéressent de ce marché, et se concentrent sur l’habitation haut de gamme. Cela aggrave la pénurie de logements locatifs privés, qui à son tour amplifie la pénurie de logement d’Etat, etc. Cercle vicieux.

Or, il n’y a aucune raison pour que des promoteurs privés et des propriétaires privés ne puissent pas gagner de l’argent en construisant, puis en louant des logements à des “pauvres”, à un loyer que ces derniers puissent payer. De nombreux exemples étrangers le prouvent. Au Canada, aux Etats-Unis, en Belgique, de nombreux “pauvres” sont logés ainsi, à la satisfaction et des propriétaires et des locataires. Pourquoi cela ne serait-il pas possible en France?

18. Parce que, par ailleurs, la France est étouffée par des réglementations qui interdisent de construire des logements sur la quasi-totalité du territoire — sauf exception et autorisations spéciales, difficiles, longues et coûteuses à obtenir. Ce point, fondamental, est le plus méconnu. C’est lui qui fait grimper de façon artificielle le coût du logement — qu’il s’agisse de la location ou de l’achat.

Les réglementations extrêmement restrictives qui régissent les permis de construire, les plans d’occupation des sols conçus sous prétexte de protection de l’environnement, donnent en réalité une prime injuste aux propriétaires existants (dont le bien s’apprécie, dont la vue est préservée), au détriment des candidats à la propriété et à la location.

La pénurie de logements artificielle qui en résulte, et qui fait monter les prix, a été démontrée aux Etats-Unis, où des situations opposées existent, selon les Etats. Dans les zones à la fois peu réglementées et économiquement dynamiques (c’est à dire attractives), les prix de l’immobilier ont très peu monté.

19. Cette situation ahurissante existe en France presque sans interruption depuis… 1918. Sous prétexte d’aider “momentanément” les victimes de la guerre à se loger, la France a mis en place des lois pro-locataires et anti-propriétaires qui aboutissent à une semi-nationalisation de fait du logement locatif privé, à une semi-expropriation des propriétaires.

Etonnez-vous, après cela, que les propriétaires soient réticents à louer, et mettent des barrières infranchissables à l’entrée dans les lieux.

20. Les mesures de blocage des loyers de 1918 ont été reconduites après la Seconde guerre mondiale, avec la fameuse loi de 1948. Conçue pour les veuves de guerre, elle subsiste jusqu’à nos jours, longtemps après la mort des derniers survivants.

Dans l’immeuble privé où j’habite, une vieille dame est décédée l’année dernière. Elle était entrée dans les lieux en… 1947. Bénéficiant de la loi de 1948, elle n’avait pas de bail et ne payait pas de loyer, mais une “indemnité d’occupation”, devenue, au fil des ans, massivement inférieure au loyer des autres occupants de l’immeuble, pour un appartement exactement semblable. Depuis 1948, ses propriétaires successifs (eux aussi décédés, au fil des années, et suivis par leurs héritiers), avaient interdiction de l’expulser, de par les sages édits de l’Union des Républiques Socialistes Françaises.

21. Depuis 1954, l’idéologie officielle de la France, en matière de logement, est celle de l’abbé Pierre. De l’extrême-gauche à l’extrême-droite, tout le monde est abbépierriste, ce qui se résume à ceci: les pauvres sont gentils, les pauvres ont du mal à se loger, et c’est mal; les riches sont méchants, ils sont pourris de pognon, ils n’en donnent pas assez aux pauvres pour se loger, et c’est mal; s’il y a la crise du logement, c’est parce que l’Etat ne donne pas assez de pognon pour loger les pauvres, ne construit pas assez de HLM, ne fait pas assez de “grandes lois” et de “plans Marshall”, et ça c’est crès crès mal.

Depuis 1954, les politiciens se font photographier aux côtés de l’abbé Pierre (maintenant, aux côtés de “Don Quichotte”, version hargneuse et laïque de son prédécesseur), parce que c’est électoralement payant.

Ils font, ensuite, plus ou moins ce qu’il leur a dit de faire (ce qui s’est vérifié avec Monsieur Don Quichotte et l’inapplicable loi sur le droit au logement): résultat, les mêmes causes produisent les mêmes effets, c’est à dire qu’on s’obstine à patauger dans la même merde depuis 1954.

L’effroyable vérité est que la pénurie de logements est créée et entretenue par les mesures mêmes qui prétendent l’éliminer — comme souvent en matière économique.


22. Inutile de dire que la politique immigrationniste de la France aggrave ce cercle vicieux. Les preuves abondent sur ce site, tout le monde en est convaincu ici, je n’y reviens donc pas.

Mais ce qui est important, c’est de comprendre que l’immigration n’est pas à l’origine de la crise du logement. Les mécanismes pervers qui l’entretiennent depuis près d’un siècle lui préexistent.

23. Je ne saurai trop vous encourager à lire le petit livre intitulé “Logement: crise publique, remèdes privés” de Vincent Bénard, d’où sont tirés la plupart des faits et analyses mentionnés ici.

Je conseille à 30% des lecteurs de FDS de saisir auparavant le sac à vomi qui se trouve sous leur siège, car Vincent Bénard, président de l’Institut Hayek de Bruxelles, est un horrible ultra-libérâââl qui ne s’en cache même pas (le salopard).

Toutefois, après avoir rendu leur cassoulet ou leur choucroute, ils découvriront une enquête à la fois unique et honnête, qui leur fournira matière à réflexion.

Et si vous n’avez vraiment pas de quoi acheter son livre pour l’encourager dans son travail d’intérêt public (ce qui serait dommage), vous pouvez lire son blog, où il présente l’essentiel de ses recherches gratuitement:

http://www.crisepublique.fr/


Trouvé sur le best-of des commentaires de FDS.

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Finance

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L
Merci. Pour ma part, je suis réservé dans l'adhésion à un “authentique libéralisme". Au vrai, cette étiquette semble passablement ambiguë. Il y a certes le libéralisme économique stricto sensu, que l’on peut en effet créditer, dès lors qu’il reconnaît ses limites, d’admettre la transcendance. Mais il y a aussi  un libéralisme général, et à cet égard aussi politique et social, dont la conformité à la DSE est plutôt douteuse, et qui a d’ailleurs été condamné par les papes du XIXe siècle (Grégoire XVI et Pie IX), de façon il est vrai un peu abrupte en tactique (voir les commentaires contemporains de Mgr Dupanloup). Ce libéralisme là, en ce qu’il ne remonte pas en-deçà des Droits de l’homme est le cousin de tous les avatars démocratiques, dont le socialisme athée avec qui il partage le refus de toute révélation, de toute tradition sociale, et  le dogme de la souveraineté nationale ainsi entendu : il n’y a d’autre loi que celle reconnue par le contrat social. En dernière instance, le principe qui unit un libéral (absolu) et un marxiste est la divinisation de l’homme. Sur ce chemin qui mène au totalitarisme, le libéral moins conséquent s’est longtemps arrêté dans le moyen terme, encore gêné par une plus ou moins vague conscience de la peccabilité humaine héritée de l’Angleterre protestante (Locke, Churchill et son célèbre aphorisme sur la démocratie), mais l’actualité nous montre bien comme cet héritage s’est estompé.
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R
"Le fond du problème, ce n'est pas le marché libre. C'est de savoir si la société se reconnaît d'autres valeurs que la production, la consommation, la satisfaction de désirs matériels." (L. Chéron)En effet. C'est ce dont je tente sans cesse de convaincre mes amis libéraux. L'authentique libéralisme n'a jamais nié les valeurs transcendantes à l'économie, bien au contraire. Ne confondons pas le libéralisme avec les modalités contemporaines du capitalisme financier.Je suis heureux que quelqu'un ici rappelle l'exemple des cisterciens, à qui l'on peut difficilement dénier le dévouement aux vertus chrétiennes : ils furent de véritables entrepreneurs, ayant le culte du travail, maîtres en organisation, créant et développant à partir de zéro toute une activité économique dans l'agriculture, l'artisanat, l'industrie, mettant sur pied un véritable réseau d'abbayes supra-national, précurseur de la mondialisation...Aujourd'hui, on dirait qu'ils ont inventé un business-model décliné en franchise à travers toute l'Europe... à une époque où les trajets d'un monastère à l'autre se faisaient à pied... et tout cela tient encore debout, pour une bonne part.
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L
Quelques remarques :1. A propos de l'agriculture, évoquée dans plusieurs commentaires et réponses antérieurs. Ce n'est pas vraiment un exemple d'économie libérale, tant cette activité est soumise, depuis l'instauration de la PAC dans les années soixante, à un fonctionnement administré : subventionner des productions, ce n'est justement pas vraiment libéral.2. On ne voit pas en quoi l'affirmation "tout a un prix" serait scandaleuse. Oui, tout ce qui est échangé a un prix ; s'il n'y a pas de prix, c'est qu'il n'y a pas d'échange. 3. Le fond du problème, ce n'est pas le marché libre. C'est de savoir si la société se reconnaît d'autres valeurs que la production, la consommation, la satisfaction de désirs matériels. "Faites vous des amis avec le malhonnête argent", a dit Jésus de Nazareth (Luc, 16). Ce n'est pas le business en soi qui pèche. Les cisterciens du XIIIe siècle n'étaient moins attentifs que les traders actuels à faire fructifier leurs avoirs. Mais ils n'y plaçaient pas leur unique espérance.PS : il manque deux pluriels à mon message n°19. 
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R
"Je ne place pas le marché en priorité, il y a des intérêts supérieurs, même Marchenoir sera d'accord avec moi sur ce point."En effet. Ca me vaut suffisamment d'attaques hystériques de la part de certains sur des blogs libéraux.
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Q
Tinter sans e. Pardonnez ce dernier paragraphe, déplacé. C'est juste que je ne comprends pas cette volonté de toujours défendre une économie matérialiste qui travaille si ouvertement contre l'Eglise !
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P
<br /> Arrêtez de voir des intentions là où il n'y en a pas, les marchés sont un outil, à nous d'en faire ce qui est bon pour la communauté. Quant à mon énergie, elle est la même que je défende les<br /> catholiques, la messe tradie, les marchés financiers, le combat provie. Vous vous focalisez sur mon côté libéral mais allez voir mes autres billets, notamment provie ou chez Koz, comment je me<br /> bagarre pour mes idées.<br /> <br /> C'est pas une question de marchés ou de quoi que ce soit, c'est juste que j'ai besoin d'un exutoire pour mon énergie, je suis comme ça. Rien de plus... :)<br /> <br /> <br />