Bientôt un autre étalon monétaire ?
Publié le 18 Novembre 2009
Contrairement à ce qu'on pourrait croire intuitivement, le système économique actuel ne respecte pas les fondements économiques du libéralisme. Le capitalisme mondialisé, les hedge funds, les
banques gigantesques, les bonus outranciers, tout ceci s'explique davantage par des positions à caractère monopolistique ou oligopolistique, par l'histoire, que par la doctrine libérale.
Pour rappel, la doctrine libérale en matière économique tend à limiter au minimum le rôle de l'Etat, et à laisser la concurrence, ainsi que le cours normal du marché, réguler l'économie. Et surtout, le principe de base est que l'Etat ne peut pas être le régulateur de la masse monétaire. En d'autres termes, il ne peut utiliser la masse monétaire à son service, en vue de ses différentes politiques. Tout l'inverse d'aujourd'hui, où les autorités, qu'elles soient européennes ou américaines, interviennent sans cesse dans le marché, et où les oligopoles sont légions.
On assiste ainsi à des aberrations. Un exemple, les programmes exceptionnels d'achat de dettes américaines par la Réserve Fédérale. Sur les 1000 milliards de dollars de bons du Trésor émis par le gouvernement américain en 2009, la Fed en a finalement acheté plus de 300, c'est à dire près d'un tiers. Des banques centrales qui rachètent des emprunts d'Etat, c'est un peu comme si un arbitre se mettait à jouer et à marquer des buts, lors d'une partie de football, et que le match était considéré comme valide.
Pourquoi ces programmes ? Parce que les Banques Centrales, que ce soit la Réserve Fédérale ou la BCE, sont les seuls acteurs à avoir les reins suffisamment solides pour continuer à acheter des obligations d'Etat dont personne ne veut en réalité, mais qui sont la contrepartie de l'injection fantastique de liquidités nécessaires pour relancer l'économie. L'idée est d'éviter une hausse des taux longs, c'est à dire une baisse rapide du prix des emprunts d'Etat (on appelle cela un krach obligataire) qui entamerait la confiance des intervenants dans l'action des Etats, et aurait aggravé encore davantage la crise. Même si c'est nécessaire, la relance est donc financée de manière artificielle, faite avec un argent qui n'existe pas, ou plutôt qui provient de la planche à billets.
Ainsi, on creuse encore davantage le trou de la dette, dans une fuite en avant perpétuelle. Je n'en suis pas un ayatollah, puisqu'en regard d'une dette, il faut toujours évaluer les actifs que celle-ci a financés. Ce qui est inquiétant, si on prend le cas de la France, ce n'est pas tant le niveau en valeur absolue de la dette, moindre qu'ailleurs (enfin, cela peut varier considérablement selon le mode de calcul), que le rythme d'accélération de celle-ci, ce que la crise ne vient pas arranger, et l'incapacité des politiques à renverser le mouvement.
C'est d'ailleurs ce que sont incapables de voir les antilibéraux, où on peut inclure certains catholiques, l'Etat a toujours plus ou moins gardé la main sur l'économie, via les politiques monétaires ou dirigistes. Parfois pour de très bonnes raisons, on ne peut le nier. La privatisation des profits et la socialisation des pertes, qu'ils fustigent à raison, n'a pas commencé avec la crise. L'Etat a eu parfois la main malheureuse comme le très subventionné programme des subprimes, initié par les démocrates américains durant les années Clinton, et qui s'est terminé de la manière dont on sait, les populations insolvables ne pouvant à la fois consommer et devenir propriétaires, il n'y a pas de miracles. A la rigueur, on peut comprendre l'interventionnisme étatique dans certaines situations très ponctuelles, mais la réalité est tout autre, à chaque fois que l'Etat s'engage dans une politique donnée, il ne s'en désengage ensuite que trop rarement.
Or il existe un système qui permet d'éviter ce genre de dérapages, et de mieux réguler l'action de l'Etat, c'est celui de l'étalon-or. Le principe très sain de l'étalon-or est que toute opération de crédit doit être lié à une réserve d'or physique placée en dépôt auprès de la Banque Centrale et que chaque unité monétaire émise peut être convertie en or, à un taux fixé. Avec ce système, la demande de crédit est limitée, les emprunteurs se font concurrence les uns les autres pour opérer, ce qui a tendance à faire grimper le taux du crédit, et à accroître, dans certaines situations, la déflation. Si la croissance est de facto plus stable, elle est moins volatile, donc moins importante. Le cours des monnaies est ensuite plus conforme à la réalité des échanges entre les pays.
Il ne faut pas se leurrer, comme dans tout système, il y a des crises, l'étalon-or n'y échappe pas. Du fait de l'incapacité des gouvernements à pouvoir réinjecter des flux dans l'économie, les crises y seront certainement plus dures que celles qu'on a pu connaitre dans le système de changes actuel. C'est l'une des raisons pour lequel il avait été abandonné, l'Etat n'ayant justement pas de marges de manoeuvre pour redresser ou diriger l'économie à sa convenance. Mais au moins ce système a-t-il le mérite de limiter les montants de dette accumulées par les Etats, de valoriser le cout de l'emprunt à un taux plus conforme à la réalité de la concurrence. Autre avantage, si l'étalon-or ne supprimera ni les hedge funds, ni les bonus, il les rendra probablement plus raisonnables, le recours au crédit étant beaucoup plus cher, ce qui permet de limiter les risques. En outre, l'Etat n'ayant plus les moyens de protéger les banquiers contre eux-mêmes, ceux-ci s'auto-réguleraient pour éviter de périr dans des opérations trop risquées. Le problème de l'aléa moral serait donc résolu.
Pour de plus amples explications, on pourra se rapporter à cet article d'Alan Greenspan, qui en vante les bienfaits, les mérites et la stabilité dans une économie. Oui, c'est le même Alan Greenspan, ancien président de la Fed, qui a eu, à ce titre, une politique monétaire des plus souples, cause de la crise des subprimes. Même si, sur le moment, il avait de très bonnes raisons d'agir ainsi, on a pu constater récemment à quel point sa politique fut mal adaptée, parce que trop à l'écoute des desiderata des marchés financiers, et finalement en contradiction avec ce qu'il évoque de l'étalon-or.
Ce système, mis en pratique dans le monde à la fin du XIXe avait à peu près fonctionné correctement, avec bien sûr, les crises inhérentes au capitalisme. Les guerres mondiales en ont signé l'arrêt brutal. Certains antilibéraux considèrent que c'est justement l'étalon-or qui explique ces guerres mondiales, les nations se faisant compétition pour accroître leur stock d'or, croyant augmenter leur richesses. Mon avis est quelque peu sceptique sur la question, l'humain n'ayant pas besoin de motivations financières pour se battre avec son voisin, les motivations nationalistes, ethniques, politiques ou historiques expliquant déjà largement les choses, l'économie n'est clairement pas la priorité.
Reste que le plus grand défaut de ce système est qu'il oblige tous les acteurs, et notamment l'empire dominant, à une discipline forte pour éviter de creuser sa balance des paiements. Ce qui est du ressort du voeu pieux. C'est ce qu'on a pu constater dans les années 60, avec le système de Bretton Woods, et l'étalon de change-or (seul le dollar est convertible, les autres monnaies mondiales étant indexées à celui-ci). La forte croissance des USA a creusé leur déficit des paiements; certains de leurs créanciers, comme la France du Général de Gaulle, ont alors demandé la conversion de leurs dollars en or. Voyant les réserves d'or de Fort Knox baisser à grande vitesse, le président Nixon décide unilatéralement le 15 Août 1971 de suspendre la convertibilité en or de la monnaie américaine. L'étalon-dollar, gagé non plus sur l'or, mais sur l'emprunt d'Etat américain, était né.
Le système que l'on connait actuellement, ce ne sera une surprise pour personne, est donc fondé sur la puissance industrielle, militaire et culturelle américaine. Problème: la dette des Etats-Unis, s'accroissant de manière exponentielle, sous l'effet conjugué des guerres, de la consommation et des plans de crise, tend à faire chuter la valeur de la monnaie américaine, ce qui pousse à la hausse la valeur de l'or qui, en parallèle, ne cesse de briser des records. Le dilemme est simple : soit les américains continuent à s'endetter sur des niveaux inconnus jusque-là (si ce n'est au Japon), ce qui aura des conséquences systémiques et dévastatrices à long terme, notamment en termes d'inflation mondiale, soit ils restructurent leur endettement, ce qui aura nécessairement pour effet de réduire la consommation américaine, et donc d'empêcher le retour de la croissance mondiale, et de perpétuer la crise. Priorité est donnée pour le moment à la résolution de la crise. Mais pour combien de temps ? C'est tout l'enjeu de ce qu'on appelle les stratégies de sortie de crise de la part des banques centrales.
Pour le moment, la Chine joue son rôle de premier partenaire américain, et achète, secondée en cela par les autres banques centrales, les emprunts d'outre-atlantique, histoire de ne pas voir péricliter ses actifs libellés en dollars. Le premier producteur du monde (la Chine) achète les obligations émises par le premier consommateur du monde (les Etats-Unis) afin de payer ses achats à l'Empire du Milieu (vous pouvez prendre un aspirine). Ce petit jeu ne continuera pas éternellement. Même si c'est la condition nécessaire pour pouvoir exporter ses produit, la Chine sera probablement lassée d'être payée en monnaie de singe. Etant donné qu'il lui prend des velléités de leadership mondial, dès qu'elle aura les moyens de s'appuyer sur sa consommation interne, elle s'arrachera de la tutelle américaine en vendant sa dette. Par exemple, on sait que la Chine tend à réduire le plus possible la durée de vie des emprunts américains qu'elle détient, laissant le soin à d'autres de porter les plus longues échéances. Ça peut vouloir dire que la Chine arbitre les différences de rémunération entre les échéances, ou, dans une vision plus pessimiste, qu'elle n'a plus confiance dans l'Etat US pour assurer le remboursement à long terme de sa dette, et qu'elle préfère donc se rabattre sur des obligations à échéance courte.
L'étalon-or aurait l'avantage d'empêcher ces excès, de les limiter dès le début. A titre personnel, je pensais que l'étalon-or était une fausse bonne idée, globalement inapplicable, et surannée, parce que trop dépendante des stocks d'or. La crise actuelle, dont les racines proviennent de piètres ajustement monétaires, d'un interventionnisme court-termiste de la part des Etats, me pousse à jeter un regard différent sur ce système, et à revoir mes a priori, malgré ses défauts. Ironie de l'histoire, certains conservateurs demandent désormais l'application de l'étalon-or, conscients de la problèmatique posée par un Etat qui maitrise la diffusion monétaire. Ce faisant, ils se rangent aux côtés des économistes les plus libéraux, qui critiquent violemment le système étato-capitaliste que l'on connait aujourd'hui. Parce qu'il ne faut pas croire que les montants de dette gigantesques, notamment aux Etats-Unis ou au Japon, pourraient être réglés d'un coup de baguette magique, en excluant tout scénario catastrophe comme la faillite d'un Etat.
Mais la véritable difficulté de ce débat n'est pas là, sur les bénéfices comparés de tel ou tel système. Car si c'est la solution de beaucoup de difficultés globales, il est illusoire de penser que les empires dominants, que ce soit les Etats-Unis, ou bientôt la Chine, décident de revenir d'eux-mêmes à l'étalon-or. D'un point de vue politique, la monnaie est une arme beaucoup trop importante pour être abandonnée. Et pourtant, c'est ce qu'il faudrait peut-être réaliser pour avoir un capitalisme plus sain, plus régulé, plus équilibré, plus conforme à la nature des choses.
Chez les professionnels, c'est une hypothèse dont on discute désormais ouvertement. Conscient que le dollar a perdu 99% de sa valeur depuis un siècle, certains, notamment au Brésil ou en Inde, commencent à s'interroger sur l'étalon qui le remplacera d'ici quelques décennies. On parle de DTS, de droits de tirages spéciaux, à savoir une monnaie de réserve, synthèse de plusieurs monnaies différentes, pour les échanges bancaires. Mais une monnaie s'articule toujours sur un pays en particulier, un pouvoir, un Etat, et cette monnaie mondialiste est complètement désincarnée, donc peu séduisante. L'étalon-yuan est l'hypothèse la plus crédible, mais il est encore trop tôt pour y passer, la Chine n'ayant pas encore les ressources financières, logistiques et humaines pour prendre le leadership, même si elle ne se prive pas de faire ses emplettes partout sur le globe. Tant que Shanghaï demeurera une place financière de casino, ce qui est le cas pour le moment, Wall Street peut continuer à spéculer tranquillement. Avec du dollar dont la valeur ne cesse de plonger...
Pour rappel, la doctrine libérale en matière économique tend à limiter au minimum le rôle de l'Etat, et à laisser la concurrence, ainsi que le cours normal du marché, réguler l'économie. Et surtout, le principe de base est que l'Etat ne peut pas être le régulateur de la masse monétaire. En d'autres termes, il ne peut utiliser la masse monétaire à son service, en vue de ses différentes politiques. Tout l'inverse d'aujourd'hui, où les autorités, qu'elles soient européennes ou américaines, interviennent sans cesse dans le marché, et où les oligopoles sont légions.
On assiste ainsi à des aberrations. Un exemple, les programmes exceptionnels d'achat de dettes américaines par la Réserve Fédérale. Sur les 1000 milliards de dollars de bons du Trésor émis par le gouvernement américain en 2009, la Fed en a finalement acheté plus de 300, c'est à dire près d'un tiers. Des banques centrales qui rachètent des emprunts d'Etat, c'est un peu comme si un arbitre se mettait à jouer et à marquer des buts, lors d'une partie de football, et que le match était considéré comme valide.
Pourquoi ces programmes ? Parce que les Banques Centrales, que ce soit la Réserve Fédérale ou la BCE, sont les seuls acteurs à avoir les reins suffisamment solides pour continuer à acheter des obligations d'Etat dont personne ne veut en réalité, mais qui sont la contrepartie de l'injection fantastique de liquidités nécessaires pour relancer l'économie. L'idée est d'éviter une hausse des taux longs, c'est à dire une baisse rapide du prix des emprunts d'Etat (on appelle cela un krach obligataire) qui entamerait la confiance des intervenants dans l'action des Etats, et aurait aggravé encore davantage la crise. Même si c'est nécessaire, la relance est donc financée de manière artificielle, faite avec un argent qui n'existe pas, ou plutôt qui provient de la planche à billets.
Ainsi, on creuse encore davantage le trou de la dette, dans une fuite en avant perpétuelle. Je n'en suis pas un ayatollah, puisqu'en regard d'une dette, il faut toujours évaluer les actifs que celle-ci a financés. Ce qui est inquiétant, si on prend le cas de la France, ce n'est pas tant le niveau en valeur absolue de la dette, moindre qu'ailleurs (enfin, cela peut varier considérablement selon le mode de calcul), que le rythme d'accélération de celle-ci, ce que la crise ne vient pas arranger, et l'incapacité des politiques à renverser le mouvement.
C'est d'ailleurs ce que sont incapables de voir les antilibéraux, où on peut inclure certains catholiques, l'Etat a toujours plus ou moins gardé la main sur l'économie, via les politiques monétaires ou dirigistes. Parfois pour de très bonnes raisons, on ne peut le nier. La privatisation des profits et la socialisation des pertes, qu'ils fustigent à raison, n'a pas commencé avec la crise. L'Etat a eu parfois la main malheureuse comme le très subventionné programme des subprimes, initié par les démocrates américains durant les années Clinton, et qui s'est terminé de la manière dont on sait, les populations insolvables ne pouvant à la fois consommer et devenir propriétaires, il n'y a pas de miracles. A la rigueur, on peut comprendre l'interventionnisme étatique dans certaines situations très ponctuelles, mais la réalité est tout autre, à chaque fois que l'Etat s'engage dans une politique donnée, il ne s'en désengage ensuite que trop rarement.
Or il existe un système qui permet d'éviter ce genre de dérapages, et de mieux réguler l'action de l'Etat, c'est celui de l'étalon-or. Le principe très sain de l'étalon-or est que toute opération de crédit doit être lié à une réserve d'or physique placée en dépôt auprès de la Banque Centrale et que chaque unité monétaire émise peut être convertie en or, à un taux fixé. Avec ce système, la demande de crédit est limitée, les emprunteurs se font concurrence les uns les autres pour opérer, ce qui a tendance à faire grimper le taux du crédit, et à accroître, dans certaines situations, la déflation. Si la croissance est de facto plus stable, elle est moins volatile, donc moins importante. Le cours des monnaies est ensuite plus conforme à la réalité des échanges entre les pays.
Il ne faut pas se leurrer, comme dans tout système, il y a des crises, l'étalon-or n'y échappe pas. Du fait de l'incapacité des gouvernements à pouvoir réinjecter des flux dans l'économie, les crises y seront certainement plus dures que celles qu'on a pu connaitre dans le système de changes actuel. C'est l'une des raisons pour lequel il avait été abandonné, l'Etat n'ayant justement pas de marges de manoeuvre pour redresser ou diriger l'économie à sa convenance. Mais au moins ce système a-t-il le mérite de limiter les montants de dette accumulées par les Etats, de valoriser le cout de l'emprunt à un taux plus conforme à la réalité de la concurrence. Autre avantage, si l'étalon-or ne supprimera ni les hedge funds, ni les bonus, il les rendra probablement plus raisonnables, le recours au crédit étant beaucoup plus cher, ce qui permet de limiter les risques. En outre, l'Etat n'ayant plus les moyens de protéger les banquiers contre eux-mêmes, ceux-ci s'auto-réguleraient pour éviter de périr dans des opérations trop risquées. Le problème de l'aléa moral serait donc résolu.
Pour de plus amples explications, on pourra se rapporter à cet article d'Alan Greenspan, qui en vante les bienfaits, les mérites et la stabilité dans une économie. Oui, c'est le même Alan Greenspan, ancien président de la Fed, qui a eu, à ce titre, une politique monétaire des plus souples, cause de la crise des subprimes. Même si, sur le moment, il avait de très bonnes raisons d'agir ainsi, on a pu constater récemment à quel point sa politique fut mal adaptée, parce que trop à l'écoute des desiderata des marchés financiers, et finalement en contradiction avec ce qu'il évoque de l'étalon-or.
Ce système, mis en pratique dans le monde à la fin du XIXe avait à peu près fonctionné correctement, avec bien sûr, les crises inhérentes au capitalisme. Les guerres mondiales en ont signé l'arrêt brutal. Certains antilibéraux considèrent que c'est justement l'étalon-or qui explique ces guerres mondiales, les nations se faisant compétition pour accroître leur stock d'or, croyant augmenter leur richesses. Mon avis est quelque peu sceptique sur la question, l'humain n'ayant pas besoin de motivations financières pour se battre avec son voisin, les motivations nationalistes, ethniques, politiques ou historiques expliquant déjà largement les choses, l'économie n'est clairement pas la priorité.
Reste que le plus grand défaut de ce système est qu'il oblige tous les acteurs, et notamment l'empire dominant, à une discipline forte pour éviter de creuser sa balance des paiements. Ce qui est du ressort du voeu pieux. C'est ce qu'on a pu constater dans les années 60, avec le système de Bretton Woods, et l'étalon de change-or (seul le dollar est convertible, les autres monnaies mondiales étant indexées à celui-ci). La forte croissance des USA a creusé leur déficit des paiements; certains de leurs créanciers, comme la France du Général de Gaulle, ont alors demandé la conversion de leurs dollars en or. Voyant les réserves d'or de Fort Knox baisser à grande vitesse, le président Nixon décide unilatéralement le 15 Août 1971 de suspendre la convertibilité en or de la monnaie américaine. L'étalon-dollar, gagé non plus sur l'or, mais sur l'emprunt d'Etat américain, était né.

Le système que l'on connait actuellement, ce ne sera une surprise pour personne, est donc fondé sur la puissance industrielle, militaire et culturelle américaine. Problème: la dette des Etats-Unis, s'accroissant de manière exponentielle, sous l'effet conjugué des guerres, de la consommation et des plans de crise, tend à faire chuter la valeur de la monnaie américaine, ce qui pousse à la hausse la valeur de l'or qui, en parallèle, ne cesse de briser des records. Le dilemme est simple : soit les américains continuent à s'endetter sur des niveaux inconnus jusque-là (si ce n'est au Japon), ce qui aura des conséquences systémiques et dévastatrices à long terme, notamment en termes d'inflation mondiale, soit ils restructurent leur endettement, ce qui aura nécessairement pour effet de réduire la consommation américaine, et donc d'empêcher le retour de la croissance mondiale, et de perpétuer la crise. Priorité est donnée pour le moment à la résolution de la crise. Mais pour combien de temps ? C'est tout l'enjeu de ce qu'on appelle les stratégies de sortie de crise de la part des banques centrales.
Pour le moment, la Chine joue son rôle de premier partenaire américain, et achète, secondée en cela par les autres banques centrales, les emprunts d'outre-atlantique, histoire de ne pas voir péricliter ses actifs libellés en dollars. Le premier producteur du monde (la Chine) achète les obligations émises par le premier consommateur du monde (les Etats-Unis) afin de payer ses achats à l'Empire du Milieu (vous pouvez prendre un aspirine). Ce petit jeu ne continuera pas éternellement. Même si c'est la condition nécessaire pour pouvoir exporter ses produit, la Chine sera probablement lassée d'être payée en monnaie de singe. Etant donné qu'il lui prend des velléités de leadership mondial, dès qu'elle aura les moyens de s'appuyer sur sa consommation interne, elle s'arrachera de la tutelle américaine en vendant sa dette. Par exemple, on sait que la Chine tend à réduire le plus possible la durée de vie des emprunts américains qu'elle détient, laissant le soin à d'autres de porter les plus longues échéances. Ça peut vouloir dire que la Chine arbitre les différences de rémunération entre les échéances, ou, dans une vision plus pessimiste, qu'elle n'a plus confiance dans l'Etat US pour assurer le remboursement à long terme de sa dette, et qu'elle préfère donc se rabattre sur des obligations à échéance courte.
L'étalon-or aurait l'avantage d'empêcher ces excès, de les limiter dès le début. A titre personnel, je pensais que l'étalon-or était une fausse bonne idée, globalement inapplicable, et surannée, parce que trop dépendante des stocks d'or. La crise actuelle, dont les racines proviennent de piètres ajustement monétaires, d'un interventionnisme court-termiste de la part des Etats, me pousse à jeter un regard différent sur ce système, et à revoir mes a priori, malgré ses défauts. Ironie de l'histoire, certains conservateurs demandent désormais l'application de l'étalon-or, conscients de la problèmatique posée par un Etat qui maitrise la diffusion monétaire. Ce faisant, ils se rangent aux côtés des économistes les plus libéraux, qui critiquent violemment le système étato-capitaliste que l'on connait aujourd'hui. Parce qu'il ne faut pas croire que les montants de dette gigantesques, notamment aux Etats-Unis ou au Japon, pourraient être réglés d'un coup de baguette magique, en excluant tout scénario catastrophe comme la faillite d'un Etat.
Mais la véritable difficulté de ce débat n'est pas là, sur les bénéfices comparés de tel ou tel système. Car si c'est la solution de beaucoup de difficultés globales, il est illusoire de penser que les empires dominants, que ce soit les Etats-Unis, ou bientôt la Chine, décident de revenir d'eux-mêmes à l'étalon-or. D'un point de vue politique, la monnaie est une arme beaucoup trop importante pour être abandonnée. Et pourtant, c'est ce qu'il faudrait peut-être réaliser pour avoir un capitalisme plus sain, plus régulé, plus équilibré, plus conforme à la nature des choses.
Chez les professionnels, c'est une hypothèse dont on discute désormais ouvertement. Conscient que le dollar a perdu 99% de sa valeur depuis un siècle, certains, notamment au Brésil ou en Inde, commencent à s'interroger sur l'étalon qui le remplacera d'ici quelques décennies. On parle de DTS, de droits de tirages spéciaux, à savoir une monnaie de réserve, synthèse de plusieurs monnaies différentes, pour les échanges bancaires. Mais une monnaie s'articule toujours sur un pays en particulier, un pouvoir, un Etat, et cette monnaie mondialiste est complètement désincarnée, donc peu séduisante. L'étalon-yuan est l'hypothèse la plus crédible, mais il est encore trop tôt pour y passer, la Chine n'ayant pas encore les ressources financières, logistiques et humaines pour prendre le leadership, même si elle ne se prive pas de faire ses emplettes partout sur le globe. Tant que Shanghaï demeurera une place financière de casino, ce qui est le cas pour le moment, Wall Street peut continuer à spéculer tranquillement. Avec du dollar dont la valeur ne cesse de plonger...