Quelle théorie sur les marchés ?
Publié le 26 Avril 2007
Une très bonne chronique sur les différentes conceptions qu'il est possible d'avoir à propos des marchés financiers. Je me retrouve totalement dans la description qu'il fait de ces trois écoles et le passage de l'une à l'autre.
Comme toujours, il y a du bon à prendre partout.
Comme toujours, il y a du bon à prendre partout.
Il y a deux manières de voir les marchés boursiers. Soit on estime qu’il y a assez d’investisseurs rationnels, en tout temps, pour donner un juste prix aux actions. C’est la théorie de l’efficience des marchés. Soit on considère que les gens ne sont pas si rationnels que cela (ou qu’ils ne peuvent pas l’être partout et tout le temps) et qu’il y a toujours des poches d’inefficience ou des anomalies qui durent assez longtemps pour pouvoir en profiter. C’est la théorie de l’inefficience des marchés.
Si l’on croit que les marchés sont efficients et que les prix reflètent correctement les informations concernant l’économie et les entreprises, le plus simple et le plus conséquent est d’investir dans les fonds indiciels. Si l’on juge, en revanche, que les marchés ne sont pas efficients, c’est qu’on pense qu’il vaut la peine de trouver des gestionnaires actifs (ou en être un soi-même) qui sauront exploiter les poches d’inefficience sur le marché.
Il n’y a pas beaucoup d’écoles de pensée dans le camp du marché efficient. On se contente de placer son argent dans les véhicules de placement qui copient le mieux les indices de référence, et qui coûtent le moins cher possible.
Dans le camp de l’inefficience des marchés en retour, on peut facilement distinguer deux grandes écoles. La première est celle que j’appellerais la finance fondamentale. Benjamin Graham, Warren Buffett, Peter Lynch et tous les adeptes de l’analyse fondamentale se retrouvent dans ce courant qui considère qu’il y a toujours des aubaines sur le marché, des entreprises qui ne sont pas évaluées (en termes de prix de leurs actions) en fonction de leur juste valeur intrinsèque. On utilise alors les outils de l’analyse financière classique pour dénicher ces aubaines, en comparant par exemple la croissance passée ou anticipée des profits avec les ratios habituels de mesure de la valeur d’un titre : cours/bénéfices, cours/ventes, cours/valeur comptable, etc.
La seconde grande école dans le camp de l’inefficience des marchés est celle de la finance comportementale. Dans ce cas, on se propose d’exploiter les nombreux biais et anomalies observés sur les marchés, qui trouvent leur origine dans la psychologie et les comportements de tous les intervenants, du plus modeste investisseur particulier jusqu’au gérant d’une caisse de retraite de plusieurs milliards de dollars, en passant par les arbitragistes, les traders et les analystes financiers.
Ces trois écoles (efficience des marchés, finance fondamentale et finance comportementale) ont chacune un vaste corpus d’études académiques pour justifier leur existence et alimenter leurs stratégies de portefeuille. En fait, on peut dire que l’école de l’efficience des marchés draine à elle seule 60 % des travaux et des professeurs de finance des universités nord-américaines, voire occidentales. La finance fondamentale recrute 20 % des chercheurs (et alimente 20 % des recherches), et la finance comportementale l’autre 20 %.
Il faut voir que les lignes de fracture entre ces trois écoles ne sont pas très profondes. Les meilleurs avocats de la théorie des marchés efficients reconnaissent d’emblée qu’il y a des inefficiences sur les marchés, mais selon eux il est trop coûteux de les exploiter en termes de frais de transaction ou de collecte de l’information. Les anomalies, disent-ils, sont constatées assez rapidement par le marché ou par la recherche académique ou institutionnelle (celle des grandes banques et firmes de courtage), si bien qu’il est impossible de les exploiter systématiquement ou à long terme.
De la même façon, les grands représentants de la théorie des marchés inefficients sont bien obligés de mettre de l’eau dans leur vin devant la masse impressionnante des travaux du camp adverse qui montre le contraire. Ils reconnaissent qu’il n’est pas facile de battre les marchés, au point d’avouer que la tâche est bien plus difficile aujourd’hui qu’elle ne l’était par le passé, en raison notamment de l’accès de plus en plus facile à l’information financière et du grand nombre d’investisseurs professionnels qui gèrent les capitaux sur le marché.
Quand on me demande dans laquelle de ces trois écoles je me situe, je réponds que je suis à cheval entre la finance fondamentale et la finance comportementale, avec une main solidement accrochée à la barre de l’école de l’inefficience des marchés. En d’autres termes, je pense être en mesure d’identifier les bonnes occasions avec l’approche valeur que me fournit la finance fondamentale, et de compléter le tout avec une stratégie de momentum des cours boursiers dont la validité est bien documentée par les chercheurs en finance comportementale. C’est ce que j’appelle la stratégie « Valeur en momentum », qui consiste à rechercher des titres qui constituent une aubaine en fonction des ratios cours/vente, cours/bénéfices et cours/valeur au livre, pour ensuite sélectionner dans cet univers les titres qui ont connu une très forte croissance de leurs cours en bourse depuis 6 à 12 mois.
Un corpus impressionnant d’études académiques et institutionnelles (je pense ici aux travaux des équipes en méthodes quantitativistes qu’on retrouve dans les grandes banques canadiennes ou les grandes firmes de courtage américaines) ont montré la validité d’une telle stratégie sur les marchés canadien, américain, européen et asiatique.
Si je devais choisir entre la finance fondamentale et la finance comportementale, je choisirais cette dernière, pour la simple et bonne raison qu’elle me paraît plus solide à long terme. En effet, à long terme, les comportements humains et la psychologie des profondeurs des investisseurs, amateurs ou professionnels, changent très lentement, et pour ainsi dire pratiquement pas. Par contre, les capacités des gestionnaires « fondamentaux » de portefeuilles s’améliorent beaucoup plus vite, surtout quand il s’agit de cueillir et de traiter l’information financière afin de vendre ou d’acheter des titres. En d’autres termes, les progrès de la finance fondamentale créent automatiquement un univers de titres (ceux qui intéressent les « fondamentalistes ») mieux évalués par le marché, et donc une plus grande difficulté à battre ce marché avec cette seule méthode.
Pourquoi alors une main accrochée à la barre de l’école des marchés efficients ? Parce que si jamais ma stratégie de placement ne donne plus les rendements espérés, il y a de fortes chances que je me tourne alors vers les produits indiciels. En d’autres termes, je ne lâcherai jamais le marché boursier pour autant, car c’est le meilleur endroit qui soit pour faire fructifier son capital. À moins d’assister à un écroulement du capitalisme et de l’économie de marché suite à une catastrophe écologique (réchauffement climatique ?), une guerre mondiale ou une mainmise totale de l’État sur l’économie. Mais ça, c’est une autre question.
Si l’on croit que les marchés sont efficients et que les prix reflètent correctement les informations concernant l’économie et les entreprises, le plus simple et le plus conséquent est d’investir dans les fonds indiciels. Si l’on juge, en revanche, que les marchés ne sont pas efficients, c’est qu’on pense qu’il vaut la peine de trouver des gestionnaires actifs (ou en être un soi-même) qui sauront exploiter les poches d’inefficience sur le marché.
Il n’y a pas beaucoup d’écoles de pensée dans le camp du marché efficient. On se contente de placer son argent dans les véhicules de placement qui copient le mieux les indices de référence, et qui coûtent le moins cher possible.
Dans le camp de l’inefficience des marchés en retour, on peut facilement distinguer deux grandes écoles. La première est celle que j’appellerais la finance fondamentale. Benjamin Graham, Warren Buffett, Peter Lynch et tous les adeptes de l’analyse fondamentale se retrouvent dans ce courant qui considère qu’il y a toujours des aubaines sur le marché, des entreprises qui ne sont pas évaluées (en termes de prix de leurs actions) en fonction de leur juste valeur intrinsèque. On utilise alors les outils de l’analyse financière classique pour dénicher ces aubaines, en comparant par exemple la croissance passée ou anticipée des profits avec les ratios habituels de mesure de la valeur d’un titre : cours/bénéfices, cours/ventes, cours/valeur comptable, etc.
La seconde grande école dans le camp de l’inefficience des marchés est celle de la finance comportementale. Dans ce cas, on se propose d’exploiter les nombreux biais et anomalies observés sur les marchés, qui trouvent leur origine dans la psychologie et les comportements de tous les intervenants, du plus modeste investisseur particulier jusqu’au gérant d’une caisse de retraite de plusieurs milliards de dollars, en passant par les arbitragistes, les traders et les analystes financiers.
Ces trois écoles (efficience des marchés, finance fondamentale et finance comportementale) ont chacune un vaste corpus d’études académiques pour justifier leur existence et alimenter leurs stratégies de portefeuille. En fait, on peut dire que l’école de l’efficience des marchés draine à elle seule 60 % des travaux et des professeurs de finance des universités nord-américaines, voire occidentales. La finance fondamentale recrute 20 % des chercheurs (et alimente 20 % des recherches), et la finance comportementale l’autre 20 %.
Il faut voir que les lignes de fracture entre ces trois écoles ne sont pas très profondes. Les meilleurs avocats de la théorie des marchés efficients reconnaissent d’emblée qu’il y a des inefficiences sur les marchés, mais selon eux il est trop coûteux de les exploiter en termes de frais de transaction ou de collecte de l’information. Les anomalies, disent-ils, sont constatées assez rapidement par le marché ou par la recherche académique ou institutionnelle (celle des grandes banques et firmes de courtage), si bien qu’il est impossible de les exploiter systématiquement ou à long terme.
De la même façon, les grands représentants de la théorie des marchés inefficients sont bien obligés de mettre de l’eau dans leur vin devant la masse impressionnante des travaux du camp adverse qui montre le contraire. Ils reconnaissent qu’il n’est pas facile de battre les marchés, au point d’avouer que la tâche est bien plus difficile aujourd’hui qu’elle ne l’était par le passé, en raison notamment de l’accès de plus en plus facile à l’information financière et du grand nombre d’investisseurs professionnels qui gèrent les capitaux sur le marché.
Quand on me demande dans laquelle de ces trois écoles je me situe, je réponds que je suis à cheval entre la finance fondamentale et la finance comportementale, avec une main solidement accrochée à la barre de l’école de l’inefficience des marchés. En d’autres termes, je pense être en mesure d’identifier les bonnes occasions avec l’approche valeur que me fournit la finance fondamentale, et de compléter le tout avec une stratégie de momentum des cours boursiers dont la validité est bien documentée par les chercheurs en finance comportementale. C’est ce que j’appelle la stratégie « Valeur en momentum », qui consiste à rechercher des titres qui constituent une aubaine en fonction des ratios cours/vente, cours/bénéfices et cours/valeur au livre, pour ensuite sélectionner dans cet univers les titres qui ont connu une très forte croissance de leurs cours en bourse depuis 6 à 12 mois.
Un corpus impressionnant d’études académiques et institutionnelles (je pense ici aux travaux des équipes en méthodes quantitativistes qu’on retrouve dans les grandes banques canadiennes ou les grandes firmes de courtage américaines) ont montré la validité d’une telle stratégie sur les marchés canadien, américain, européen et asiatique.
Si je devais choisir entre la finance fondamentale et la finance comportementale, je choisirais cette dernière, pour la simple et bonne raison qu’elle me paraît plus solide à long terme. En effet, à long terme, les comportements humains et la psychologie des profondeurs des investisseurs, amateurs ou professionnels, changent très lentement, et pour ainsi dire pratiquement pas. Par contre, les capacités des gestionnaires « fondamentaux » de portefeuilles s’améliorent beaucoup plus vite, surtout quand il s’agit de cueillir et de traiter l’information financière afin de vendre ou d’acheter des titres. En d’autres termes, les progrès de la finance fondamentale créent automatiquement un univers de titres (ceux qui intéressent les « fondamentalistes ») mieux évalués par le marché, et donc une plus grande difficulté à battre ce marché avec cette seule méthode.
Pourquoi alors une main accrochée à la barre de l’école des marchés efficients ? Parce que si jamais ma stratégie de placement ne donne plus les rendements espérés, il y a de fortes chances que je me tourne alors vers les produits indiciels. En d’autres termes, je ne lâcherai jamais le marché boursier pour autant, car c’est le meilleur endroit qui soit pour faire fructifier son capital. À moins d’assister à un écroulement du capitalisme et de l’économie de marché suite à une catastrophe écologique (réchauffement climatique ?), une guerre mondiale ou une mainmise totale de l’État sur l’économie. Mais ça, c’est une autre question.