A bas le Téléthon, vive le handicap !
Publié le 22 Décembre 2006
C'est le titre surprenant d'un courrier qu'une handicapée a envoyé à Libération.
Je me permets de le reproduire ici. On entend suffisemment les témoignages opposés pour que celui-ci vaille la peine d'être lu, au moins une fois.
Décapant.
Vingt ans que je supporte cet événement national qui choque ma famille, mon compagnon, la plupart de mes amis et un grand nombre de personnes handicapées que je connais. Vingt ans que j'évite de sortir ce week-end-là pour échapper aux sourires de compassion, aux regards de pitié, dont je n'ai que faire. Ces sourires et ces regards-là que j'ai fini par appeler «effet Téléthon».
Heureusement que je suis de la génération «anté-Téléthon». Je l'ai échappé belle! Je serais née? Non, justement, je ne serais pas née! Ma mère serait tombée enceinte de moi il y a une vingtaine d'années (un peu moins, le temps pour les chercheurs de faire, avec l'argent du Téléthon, quelques découvertes permettant de diagnostiquer des anomalies génétiques comme la mienne par exemple ? et cautionnant ainsi des IMG, interruption médicale de grossesse), je ne serais pas là en train de vous écrire. Je ne serais pas là parce qu'un médecin, craignant l'augmentation de ses assurances, aurait bien réussi à convaincre mes parents qu'il vaudrait bien mieux que je ne naisse pas.
J'aime ma vie. Je ne voudrais pas être quelqu'un d'autre. J'ai rencontré bien des gens sans aucun handicap mais qui n'avait aucune joie de vivre. Ça me fait froid dans le dos de voir tous ces enfants exposés au Téléthon à qui l'on a mis dans la tête qu'on allait trouver un moyen de les guérir, et par là même la culpabilité de leur différence? Au lieu de leur offrir une société qui les accueille dignement, qui leur offre le même accès à l'éducation et aux loisirs qu'aux autres enfants, qui leur permette de devenir des citoyens à part entière. Au lieu de ça, et même après vingt ans de Téléthon, peu de choses ont changé dans les mentalités, comme en atteste le courrier de Virginie Hervet ( Libération du 12 décembre) et comme je le vis moi-même au quotidien depuis quarante-sept ans.
Si quelques progrès indéniables ont été faits dans le domaine de l'accessibilité aux transports et aux lieux publics, les mentalités ont peu évolué et même régressé dans certains domaines. Le rejet, les préjugés, les discriminations, sont toujours bien présents et aucun Téléthon n'a pu y changer quoi que ce soit. C'est ça qui est obscène, Mme Hervet, que l'on utilise des enfants handicapés un jour par an pour faire entrer un maximum d'argent (argent pour des recherches qui devraient être financées par l'Etat) et que les 364 autres jours, les personnes porteuses de handicap soient invisibles, exclues de plateaux, interdites d'accès dans les émissions qui accueillent du public. Je souffre bien plus de ces discriminations que de mon handicap, qui, bien que considéré comme grave et très invalidant, fait partie de ma vie et a contribué à faire de moi ce que je suis et que je ne changerai pour rien au monde.
Florence Michel
Heureusement que je suis de la génération «anté-Téléthon». Je l'ai échappé belle! Je serais née? Non, justement, je ne serais pas née! Ma mère serait tombée enceinte de moi il y a une vingtaine d'années (un peu moins, le temps pour les chercheurs de faire, avec l'argent du Téléthon, quelques découvertes permettant de diagnostiquer des anomalies génétiques comme la mienne par exemple ? et cautionnant ainsi des IMG, interruption médicale de grossesse), je ne serais pas là en train de vous écrire. Je ne serais pas là parce qu'un médecin, craignant l'augmentation de ses assurances, aurait bien réussi à convaincre mes parents qu'il vaudrait bien mieux que je ne naisse pas.
J'aime ma vie. Je ne voudrais pas être quelqu'un d'autre. J'ai rencontré bien des gens sans aucun handicap mais qui n'avait aucune joie de vivre. Ça me fait froid dans le dos de voir tous ces enfants exposés au Téléthon à qui l'on a mis dans la tête qu'on allait trouver un moyen de les guérir, et par là même la culpabilité de leur différence? Au lieu de leur offrir une société qui les accueille dignement, qui leur offre le même accès à l'éducation et aux loisirs qu'aux autres enfants, qui leur permette de devenir des citoyens à part entière. Au lieu de ça, et même après vingt ans de Téléthon, peu de choses ont changé dans les mentalités, comme en atteste le courrier de Virginie Hervet ( Libération du 12 décembre) et comme je le vis moi-même au quotidien depuis quarante-sept ans.
Si quelques progrès indéniables ont été faits dans le domaine de l'accessibilité aux transports et aux lieux publics, les mentalités ont peu évolué et même régressé dans certains domaines. Le rejet, les préjugés, les discriminations, sont toujours bien présents et aucun Téléthon n'a pu y changer quoi que ce soit. C'est ça qui est obscène, Mme Hervet, que l'on utilise des enfants handicapés un jour par an pour faire entrer un maximum d'argent (argent pour des recherches qui devraient être financées par l'Etat) et que les 364 autres jours, les personnes porteuses de handicap soient invisibles, exclues de plateaux, interdites d'accès dans les émissions qui accueillent du public. Je souffre bien plus de ces discriminations que de mon handicap, qui, bien que considéré comme grave et très invalidant, fait partie de ma vie et a contribué à faire de moi ce que je suis et que je ne changerai pour rien au monde.
Florence Michel
Le texte de Mme Herbet est disponible ici.
Merci au Salon Beige.