A quoi ça sert de croire ?
Publié le 20 Octobre 2009
Edmond Prochain a écrit un billet sur Sacristains concernant la foi, sur sa façon de
l'appréhender. Le texte constitue une réponse à une objection couremment rencontrée selon laquelle croire serait un moyen de se rassurer devant le néant de la vie, le non-sens de l'existence.
Edmond rappelle que le croyant est avant tout quelqu'un qui suit le Christ lorsqu'il porte la Croix, que cette perspective n'a strictement rien de réjouissant, notamment lorsque le doute s'en mêle,
et l'on ne sait pas du tout, mais alors pas du tout où on va.
Mais en bon vieux tradi grincheux, je ne partage pas tout à fait son avis. Tout d'abord, sur le sujet, il est impossible ici de ne pas évoquer le pari de Pascal énoncé de la manière suivante :
J'avoue que c'est un raisonnement qui me séduit. Il n'y a rien à perdre à croire en Dieu, si ce n'est une vie de plaisirs, et encore, vu la vacuité et la finitude de nos activités terrestres, on ne perd pas grand-chose au change.
Alors certes, le Christ nous a promis qu'une seule chose, la Croix. Il nous a promis d'en baver sur cette terre. Mais je ne suis pas sûr que les non-croyants aient moins de malheur, souffrent moins que les croyants. Par contre, ces derniers savent clairement mieux remettre ces souffrances en perspective, en les offrant, en acceptant de ne pas tout contrôler, en acceptant de Le laisser faire, Lui là-haut. C'est en cela, il me semble, que l'on peut dire que l'on se rassure. Comme je le disais en commentaire, la perspective de s'en prendre plein la tête pour quelque chose ou quelqu'un est plus rassurante, plus compréhensible, et donc finalement, plus acceptable que la perspective de s'en prendre plein la tête pour rien. Ça fait toute la différence.
Un économiste raisonnerait de manière pragmatique, et poserait la question ainsi, qu'est ce qui fait que j'ai choisi de croire, plutôt que de ne pas croire ? Quel est l'intérêt d'être catholique plutôt que d'être athée ? Si l'on part du principe que je suis quelque peu indépendant de ma formation et du conditionnement social dans lequel je suis né, répondre à cette question est pour moi très simple: croire donne un sens à la vie, une espérance qui va au-delà du néant. J'aime bien la formule de Michel Serrault, "si on n'a pas la foi pour récupérer, pour transformer le sens de la vie, tout devient un peu dérisoire et même pathétique". C'est en cela qu'il me semble que les athées ont raison de dire que la foi est quelque chose de rassurant, en ce qu'elle offre une explication du monde, un paradigme qui se refuse aux athées, qui y voient donc une solution de facilité.
Mais pourquoi le catholicisme, me direz-vous ?
Pour plusieurs raisons. Parce que la religion catholique est d'une rigueur, d'une cohérence et d'une unicité merveilleuse pour expliquer le monde. C'est la seule religion à allier le meilleur de la raison, et le meilleur des sentiments, l'amour. C'est la seule à avoir autant d'idéaux, tout en ayant, dans le même temps, une miséricorde affichée pour les pêcheurs. C'est la seule qui considère que chaque individu peut se sauver sans être pour autant catholique, c'est la seule à avoir mis le doigt sur l'importance du mimétisme, sur la dangerosité de la foule, c'est la seule à renverser la charge du sacrifice, et c'est la seule, enfin, à prôner l'unité, autour de la personne du pape, l'évêque de Rome. On pourrait dire que je n'ai qu'une vision aride de la foi, qui ne serait que devoir, héritage et intellectualisme. Peut-être, mais j'assume, la foi touche différemment chacun des croyants.
Ce n'est pas une vision très noble de la foi, évidemment, ça serait mieux si je débordais d'amour pour Dieu, ça serait mieux si je n'avais pas besoin de signes, si je croyais sans avoir vu, sans Saint Suaire, sans apparitions, sans éléments tangibles auxquels mon faible intellect peut se raccrocher. Mais en même temps, tout focaliser sur un sentiment aussi volatil que l'amour me semble également dangereux, si autant de monde a quitté les églises, c'est bien parce que la notion de devoir, d'exigence avait disparu de l'Eglise, à la suite du concile. Le sentiment, sans appronfondissement et enracinement dans quelque chose de plus solide, finit aussi par se déliter.
D'ailleurs ces deux tendances sont-elles bien repérées puisque l'Eglise condamne aussi bien le fidéisme, c'est à dire la doctrine selon laquelle toute connaissance ne serait accessible que par la Révélation (en oubliant les signes tangibles qui peuvent être accessibles à notre raison) que le rationalisme, qui considère qu'on n'a pas besoin de la Révélation pour accéder à la vérité, fût-elle surnaturelle.
Evidemment, même s'il l'on est peut-être davantage rassuré, tout n'est pas gagné d'avance. Benoit XVI le rappelait récemment, la seule chose à craindre, c'est le jugement de Dieu. Il faut tout de même être digne de ce que l'on a reçu, témoigner de la foi, bref, travailler pour le règne du Christ sur cette terre, ce qui est loin d'être une mince affaire. On n'a jamais assez donné, jamais assez retransmis, là, c'est vrai, il y a un véritable stress. Est-on suffisamment digne de l'amour qu'Il nous donne ? Mais enfin, savoir qu'on est dans le projet de Dieu, qu'Il nous soutiendra dans les épreuves de la vie, qu'il se soucie de nous me semble plus rassurant que de penser qu'il n'y a rien du tout, que notre vie n'a aucun sens. Le desespoir, c'est tout de même la pire des choses.
Alors oui, j'ai le gros défaut intellectualisant des tradis, qui oublie parfois de mettre un peu d'amour, un peu de coeur. Il m'est arrivé, alors qu'on me posait la question, de dire très simplement, en exagérant quelque peu, que je n'avais pas la foi, dans le sens où je n'avais aucun sentiment, aucune sensation, aucun amour particulier, que ma démarche est essentiellement intellectuelle. C'est ce que l'abbé de Tanouarn, dans un de ses sermons, rappelle avec la formule de Martin Mosebach : "La foi, c'est ce que nous faisons comme une évidence". Formule qui me rappelle la sentence archi-connue, "il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour". Je m'y reconnais bien davantage.
Même si le doute fait partie intégrante de la démarche de la foi, notamment pour les plus grands saints, ma pratique de la foi relève plutôt de l'évidence, ou du devoir. C'est une évidence de rentrer dans des églises quand le besoin m'en prend, c'est une évidence que de m'adresser à Lui, comme on pourrait s'adresser à un père. Evidences qui proviennent de la conviction que cet univers dans lequel nous évoluons, ne peut pas ne pas avoir de sens, a une cohérence interne qui lui est fournie par quelqu'un de beaucoup plus haut placé, et qu'il ne peut en être autrement. Finalement, mon acte de foi, il est là, dans l'idée qu'il y a un sens à tout ça. Que ce sens est nécessairement transcendant, nous attire vers le vrai, le bien et le beau.
A titre de mise en abyme, on peut remarquer que mon billet est plein de citations intellectualisantes, là où Edmond parle juste de ce qu'il ressent, de l'amour qu'il éprouve, comme quoi, même dans notre manière de montrer les choses, nous avons les comportements relevés dans la problèmatique de la foi.
Pas grave, il y a plusieurs demeures dans la maison du père.
Mais en bon vieux tradi grincheux, je ne partage pas tout à fait son avis. Tout d'abord, sur le sujet, il est impossible ici de ne pas évoquer le pari de Pascal énoncé de la manière suivante :
Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude; et votre nature a deux choses à fuir :
l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et
la perte, en prenant choix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter.
J'avoue que c'est un raisonnement qui me séduit. Il n'y a rien à perdre à croire en Dieu, si ce n'est une vie de plaisirs, et encore, vu la vacuité et la finitude de nos activités terrestres, on ne perd pas grand-chose au change.
Alors certes, le Christ nous a promis qu'une seule chose, la Croix. Il nous a promis d'en baver sur cette terre. Mais je ne suis pas sûr que les non-croyants aient moins de malheur, souffrent moins que les croyants. Par contre, ces derniers savent clairement mieux remettre ces souffrances en perspective, en les offrant, en acceptant de ne pas tout contrôler, en acceptant de Le laisser faire, Lui là-haut. C'est en cela, il me semble, que l'on peut dire que l'on se rassure. Comme je le disais en commentaire, la perspective de s'en prendre plein la tête pour quelque chose ou quelqu'un est plus rassurante, plus compréhensible, et donc finalement, plus acceptable que la perspective de s'en prendre plein la tête pour rien. Ça fait toute la différence.
Un économiste raisonnerait de manière pragmatique, et poserait la question ainsi, qu'est ce qui fait que j'ai choisi de croire, plutôt que de ne pas croire ? Quel est l'intérêt d'être catholique plutôt que d'être athée ? Si l'on part du principe que je suis quelque peu indépendant de ma formation et du conditionnement social dans lequel je suis né, répondre à cette question est pour moi très simple: croire donne un sens à la vie, une espérance qui va au-delà du néant. J'aime bien la formule de Michel Serrault, "si on n'a pas la foi pour récupérer, pour transformer le sens de la vie, tout devient un peu dérisoire et même pathétique". C'est en cela qu'il me semble que les athées ont raison de dire que la foi est quelque chose de rassurant, en ce qu'elle offre une explication du monde, un paradigme qui se refuse aux athées, qui y voient donc une solution de facilité.
Mais pourquoi le catholicisme, me direz-vous ?
Pour plusieurs raisons. Parce que la religion catholique est d'une rigueur, d'une cohérence et d'une unicité merveilleuse pour expliquer le monde. C'est la seule religion à allier le meilleur de la raison, et le meilleur des sentiments, l'amour. C'est la seule à avoir autant d'idéaux, tout en ayant, dans le même temps, une miséricorde affichée pour les pêcheurs. C'est la seule qui considère que chaque individu peut se sauver sans être pour autant catholique, c'est la seule à avoir mis le doigt sur l'importance du mimétisme, sur la dangerosité de la foule, c'est la seule à renverser la charge du sacrifice, et c'est la seule, enfin, à prôner l'unité, autour de la personne du pape, l'évêque de Rome. On pourrait dire que je n'ai qu'une vision aride de la foi, qui ne serait que devoir, héritage et intellectualisme. Peut-être, mais j'assume, la foi touche différemment chacun des croyants.
Ce n'est pas une vision très noble de la foi, évidemment, ça serait mieux si je débordais d'amour pour Dieu, ça serait mieux si je n'avais pas besoin de signes, si je croyais sans avoir vu, sans Saint Suaire, sans apparitions, sans éléments tangibles auxquels mon faible intellect peut se raccrocher. Mais en même temps, tout focaliser sur un sentiment aussi volatil que l'amour me semble également dangereux, si autant de monde a quitté les églises, c'est bien parce que la notion de devoir, d'exigence avait disparu de l'Eglise, à la suite du concile. Le sentiment, sans appronfondissement et enracinement dans quelque chose de plus solide, finit aussi par se déliter.
D'ailleurs ces deux tendances sont-elles bien repérées puisque l'Eglise condamne aussi bien le fidéisme, c'est à dire la doctrine selon laquelle toute connaissance ne serait accessible que par la Révélation (en oubliant les signes tangibles qui peuvent être accessibles à notre raison) que le rationalisme, qui considère qu'on n'a pas besoin de la Révélation pour accéder à la vérité, fût-elle surnaturelle.
Evidemment, même s'il l'on est peut-être davantage rassuré, tout n'est pas gagné d'avance. Benoit XVI le rappelait récemment, la seule chose à craindre, c'est le jugement de Dieu. Il faut tout de même être digne de ce que l'on a reçu, témoigner de la foi, bref, travailler pour le règne du Christ sur cette terre, ce qui est loin d'être une mince affaire. On n'a jamais assez donné, jamais assez retransmis, là, c'est vrai, il y a un véritable stress. Est-on suffisamment digne de l'amour qu'Il nous donne ? Mais enfin, savoir qu'on est dans le projet de Dieu, qu'Il nous soutiendra dans les épreuves de la vie, qu'il se soucie de nous me semble plus rassurant que de penser qu'il n'y a rien du tout, que notre vie n'a aucun sens. Le desespoir, c'est tout de même la pire des choses.
Alors oui, j'ai le gros défaut intellectualisant des tradis, qui oublie parfois de mettre un peu d'amour, un peu de coeur. Il m'est arrivé, alors qu'on me posait la question, de dire très simplement, en exagérant quelque peu, que je n'avais pas la foi, dans le sens où je n'avais aucun sentiment, aucune sensation, aucun amour particulier, que ma démarche est essentiellement intellectuelle. C'est ce que l'abbé de Tanouarn, dans un de ses sermons, rappelle avec la formule de Martin Mosebach : "La foi, c'est ce que nous faisons comme une évidence". Formule qui me rappelle la sentence archi-connue, "il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour". Je m'y reconnais bien davantage.
Même si le doute fait partie intégrante de la démarche de la foi, notamment pour les plus grands saints, ma pratique de la foi relève plutôt de l'évidence, ou du devoir. C'est une évidence de rentrer dans des églises quand le besoin m'en prend, c'est une évidence que de m'adresser à Lui, comme on pourrait s'adresser à un père. Evidences qui proviennent de la conviction que cet univers dans lequel nous évoluons, ne peut pas ne pas avoir de sens, a une cohérence interne qui lui est fournie par quelqu'un de beaucoup plus haut placé, et qu'il ne peut en être autrement. Finalement, mon acte de foi, il est là, dans l'idée qu'il y a un sens à tout ça. Que ce sens est nécessairement transcendant, nous attire vers le vrai, le bien et le beau.
A titre de mise en abyme, on peut remarquer que mon billet est plein de citations intellectualisantes, là où Edmond parle juste de ce qu'il ressent, de l'amour qu'il éprouve, comme quoi, même dans notre manière de montrer les choses, nous avons les comportements relevés dans la problèmatique de la foi.
Pas grave, il y a plusieurs demeures dans la maison du père.