La tolérance : une valeur de droite ?
Publié le 20 Octobre 2008
Via FDS et Paperblog, je suis tombé chez Discours Sauvage sur la modernité, un blog dont j'apprécie le ton. Et qu'il me parait intéressant de suivre. Témoin, ce billet sur la différence entre la tolérance auto-proclamée, privilège de la gauche s'il en est, et la tolérance effective, qu'on trouve bien plus souvent à droite.
C'est la conclusion à laquelle arrive un chercheur venu de la gauche, Anne Muxel, dans Toi, moi et la politique, amour et conviction, paru le 9 octobre.
Anne Muxel, dans une émission de France Inter (pas franchement un bastion de la réaction non plus), manifestait
d’ailleurs ce jeudi 2 octobre son étonnement à ce sujet. « Ca a été une surprise pour moi [de constater cette intransigeance des gens que se classent à gauche] quand j’ai commencé ce travail
dans la mesure ou quand même les valeurs de tolérance, de respect de la différence, du respect de l’autre font partie d’une culture revendiquée par la gauche. C’est vrai qu’il y a une plus
grande difficulté pour les gens qui se classent à gauche d’accepter les divergences politiques dans la sphère privée...» . Je vois ici le signe que la sociologie, comme d’autres sciences
d’ailleurs, n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle paraît penser contre elle-même.
Muxel redécouvre le fil à couper le beurre, il en'est un secret pour personne, surtout pour tous ceux qui fréquentent le web assidument, les gens de gauche sont globalement beaucoup plus agressifs et violents, que n'importe quel site positionné à droite. Les gens de droite, rejoignant une perspective essentiellement chrétienne, se contentent de faire avec ce qu'ils ont, avec le plus de pragmatisme possible, sans pour autant oublier les principes auxquels ils adhèrent.
Alors que le fondement du socialisme est complètement opposé, puisqu'il part de la table rase, de la reconstruction d'une société, d'une utopie, selon les principes idéologiques du parti. De facto, ceux qui ne partagent pas cet idéal de reconstruction ne peuvent donc prétendre à la pureté idéologique. Le projet de gauche étant globalement beaucoup plus impliquant, et donc, beaucoup plus discriminant.
Mais comment comprendre que ceux qui proclament haut et fort leur amour de la tolérance et leur respect de la différence supportent dans les faits moins bien celle-ci que ceux qui sont considérés a priori comme des conservateurs ou d’horribles défenseurs de l’ordre établi ? Il est sans doute difficile de donner une réponse définitive à cette question. Anne Muxel avance pour sa part l’idée selon laquelle la droite, en insistant sur la notion de liberté individuelle est elle aussi attachée à la tolérance, et pourrait-on dire, à l’idée d’une certaine indifférence des opinions politiques de chacun. Mais, au-delà des valeurs de chacun, n’y a-t-il pas là quelque chose qui met en jeu une notion que l’on pourrait appeler la morale dominante contemporaine ? Aujourd’hui puisque les valeurs de tolérance et de respect de l’autre sont des valeurs dominantes de la société (au moins au niveau du discours), et que ces valeurs sont considérées comme étant a priori mieux incarnées par la gauche, celle-ci est de facto considérée par l’ensemble de la société comme étant le camp du Bien, quand la droite, elle, manque nécessairement de ce point de vue, et de son propre point de vue, de pureté morale. Un homme ou une femme de droite, en acceptant l’idée de sa propre imperfection morale, serait ainsi mieux préparé qu’une femme ou un homme de gauche à accepter, même dans la sphère la plus intime, une opinion politique qui divergerait de la sienne.
On pourrait peut-être cependant avancer une autre explication, moins favorable à l’idée d’une tolérance essentiellement plus grande de la droite. La distinction essentielle pour la gauche est sans doute de nature idéologique. La gauche a une culture d’opposition qui l’amène à faire de la distinction entre ceux qui veulent changer le monde et ceux qui veulent le conserver une distinction essentielle. En ce sens la distinction entre la gauche et la droite est pour elle fondatrice et on comprend alors qu’il soit plus difficile pour une personne se situant à gauche de transiger sur les opinions politiques de son conjoint.
(...)
Ce qui est sûr c’est que l’on ne se débarrasse pas facilement, malgré les plus belles déclarations d’intention, du goût d’exclure et de retrouver entre soi.
Et comme d'habitude, pour que ce soit audible, il faut que ce soit quelqu'un de la gauche qui le dise, sinon, ce n'est pas crédible, ce n'est pas fiable. Lacher le culturel a vraiment été la plus grande erreur de la droite.