Le Liban a un nouveau président

Publié le 26 Mai 2008

Et pour comprendre l'ampleur de la tâche de Michel Sleimane, l'éditorial de l'Orient le Jour fait une bonne synthèse de la situation, après six mois de tergiversations multiples et variées...


Crédits sur parole

Incroyable pays tout de même que le nôtre, qui, à travers ses portes et fenêtres béantes, (s’) attire tout à la fois tant de convoitises et d’intrigues extérieures mais aussi de chaleureuses, de réconfortantes marques de sollicitude !

À plus d’un titre, l’élection présidentielle d’hier constituait un évènement à retentissement mondial, même si les invités ont eu droit, en prime, au spectacle de ces irrégularités de procédure qui font le trouble charme de la démocratie à la libanaise. Jamais en effet scrutin de ce genre ne s’est déroulé devant un parterre tel que celui réuni hier sous la coupole de l’Assemblée. Du souverain à l’ambassadeur en passant par le ministre, ils étaient tous (ou presque) là, congestionnant les loges du Parlement, squattant l’espace réservé à ce témoin de prédilection qu’est la presse, envahissant jusqu’aux bancs des ministres. Et pour cause : nombreux sont les pays qui, de près ou de loin, à bon ou mauvais escient, à des fins avouables ou non, ont traité du mal libanais. D’aucuns s’y sont brûlé les doigts, d’autres ont engrangé des bénéfices. À l’heure des épilogues heureux, peut-être était-il important pour tous de revendiquer – sur place – une part de mérite, sinon de triomphe.

Un vaste parapluie international doublé d’un consensus interne : c’est d’un capital considérable que s’est vu nanti, d’emblée, le président Michel Sleimane. Avant même d’user de ce viatique à deux volets, le chef de l’État doit commencer cependant par en évaluer l’exacte portée, dans un contexte régional souvent sujet à changements, lesquels hélas ont vite fait de se répercuter sur la scène locale. C’est apparemment parce que l’Amérique a plus que jamais besoin de l’Iran pour calmer le jeu en Irak, c’est aussi parce que la Syrie a engagé des pourparlers de paix avec Israël sous les auspices de la Turquie qu’un compromis a enfin été possible au Liban. Mais que vienne à changer la donne...

C’est dire qu’au nouveau président incombe cette double et délicate tâche : positionner convenablement le Liban par rapport aux axes régionaux rivaux (convenablement, c’est-à-dire à l’écart des lignes de confrontation) et arrimer, dans le même temps, les diverses parties libanaises à l’État en voie de reconstitution. C’est dans cette même et heureuse perspective d’ailleurs que s’inscrit le programme décliné par Sleimane dans son discours d’investiture, véritable modèle de fermeté dans les convictions, que ne parvenaient à édulcorer ni l’évident souci d’équilibre ni la rare sobriété du ton.

Cette allocution n’a pas manqué de moments forts, pas plus que de salutaires incursions hors des sentiers battus, et jusqu’en terrain pratiquement vierge. Car si Michel Sleimane a abordé pratiquement tous les dossiers en souffrance, si ce bon père de famille a évoqué avec insistance le problème d’une jeunesse libanaise poussée, crise après crise, aux portes du désespoir, s’il a proclamé avec force son soutien au tribunal international pour le Liban, il a surtout apporté des clarifications fort bienvenues sur deux points essentiels, figurant d’ailleurs au cœur du problème libanais.

Le premier de ces points avait trait à une Résistance à l’occupation israélienne, appelée à s’en tenir désormais à cette seule... occupation : à ne plus jamais retourner ses armes contre des Libanais, ce qui serait en effet intolérable. Cela en attendant la mise sur pied d’une stratégie de défense nationale (de défense et non plus d’équipées solitaires), seule capable de recueillir le soutien effectif du peuple tout entier. L’ère d’une Résistance jalouse de son indépendance d’action et échappant à tout contrôle étatique serait-elle donc à jamais révolue ?

À propos de la Syrie, le chef de l’État n’a pas manqué de sacrifier au rituel de ces relations dites privilégiées, lesquelles n’ont jamais fait, dans le passé, que privilégier le déséquilibre, l’injustice, la domination d’un des deux partenaires sur l’autre. Il est néanmoins le premier président libanais à avoir fait sienne, de la plus solennelle des manières, l’exigence générale, confortée par plus d’une résolution de l’ONU, d’un échange d’ambassades avec Damas. C’est tant mieux si ces choses ont été dignement et courtoisement dites à l’Assemblée, sous le regard impénétrable de Walid Moallem siégeant parmi les invités, et qui est la première personnalité syrienne à venir à Beyrouth depuis le séisme de 2005.

Après une longue vacance, l’État a enfin un chef, et ce chef a droit au soutien sincère de tous. Puisse maintenant ce chef se donner – et nous donner – un État.

Issa GORAIEB

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Relations internationales

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M
L'élection du nouveau Président est une bonne nouvelle. Espérons qu'il pourra contribuer à la paix,  et à l'indépendance réelle du Liban
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S
Le Liban n'est pas un Etat digne de ce nom, c'est une juxtaposition de commuanutés qui s'entendent plus ou moins bien, quand elles ne se font pas la guerre. Que peut bien être le président d'un non-Etat ? Je lui souhaite bien du courage dans cette poudrière.Je pense bien sûr aux chrétiens, en espérant qu'ils sauront tirer parti des fruits de la liberté. Pour combien de temps encore ?
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