Il faut que jeunesse se passe
Publié le 24 Octobre 2011
Le service militaire, à l'époque où il existait, avait cette utilité. Confronter toute une génération de mâles à un environnement qu'ils ne connaissaient pas pour y accomplir des tâches qu'ils n'auraient jamais faites dans leur position initiale. Il n'y avait pas de jaloux, tous les hommes étaient concernés, et étaient priés d'obéir qui à un sergent instructeur, qui à un officier désagréable, qui à un première classe revêche. Les jeunes découvraient la réalité de la vie, en étant encadrés et couverts, et devaient avoir un comportement d'adultes responsables. Or ce qui était pour beaucoup de gamins l'occasion de se calmer, d'appréhender la vie un peu plus justement, un peu moins follement, a disparu. La nature ayant horreur du vide, chaque communauté trouve ses expédients pour cadrer l'énergie de ses jeunes.
Et bien, chez les cathos réacs, les manifestations, comme celles du théâtre du Chatelet, servent à ça. De rite de passage des jeunes à l'âge adulte. Ce type de manifestations représente plusieurs avantages, pour tout le monde:
- souder le mouvement, autour d'un objectif commun, avec des adversaires identifiés et ligués contre ce mouvement
- casser la monotonie de la vie en y introduisant un peu de piment
- faire un peu de publicité au mouvement
- accessoirement, ou peut-être est-ce justement l'essentiel, draguer la fille d'à côté en se donnant une image romantique.
La liste est longue, chaque communauté à son passage initiatique, forgeant ainsi les histoires et la légende des individus, chacun étant, bien évidemment, dans le camp des vainqueurs à la fin. Chez l'extrême-gauche, ce sont les bastons qui ont lieu de temps à autre avec leurs homologues d'extrême droite qui n'ont généralement pour conséquence que quelques contusions de part et d'autre. Chez les gauchistes, on pourrait parler des mouvements étudiants à la moindre tentative d'une esquisse de réfome de l'Education Nationale, avec leur cortèges de manifs et de blocages. Chez les gays, ce sont les happenings divers, parfois contre l'Eglise. Dans les milieux populaires, c'est la soirée au stade de foot, les accrochages avec les hooligans qui parfois, dégénèrent. Chez les cathos BCBG, ce sont les JMJ, FRAT, et autres séjours catholiques qui permettent de s'émanciper des parents et de draguer les filles. Là, pas de violence, du fait des moindres politisation et implication de ce milieu dans les problèmatiques religieuses ou politiques. Evidemment, tout cela s'entrecroise, les uns rejoignant ou affrontant les autres, mais ce n'est finalement rien d'autre qu'une vaste guerre des boutons. Seul point commun de tout ceci, chacun dépense son énergie sur le sujet qui lui tient le plus à coeur. La défense du christianisme, les acquis sociaux, sa ville, son identité, sa bande, son territoire, faites votre choix, il y en a pour tous les goûts.
En ce qui me concerne, il m'est arrivé, lors de prières pacifiques devant des avortoirs (interdites à l'époque, et désormais autorisées), d'avoir été emmené au poste de police pour quelques questions avec toutes les autres personnes en prière. Il n'y a aucune ouverture de casier, pas de condamnation, juste un petit tour au poste de police pour marquer le coup. Les policiers finissent par papoter tranquillement avec vous parce qu'on n'est quand même pas des sauvages. Et on sort tranquillement du poste trois heures après. Toutes ces initiatives sont surtout impressionnantes pour ceux qui ne sont pas au fait de la gestion de manifs, qui ne sont pas accoutumées à qu'on puisse jauger, et disons le mot , "jouer" avec les forces de l'ordre. Il ne leur viendrait même pas à l'esprit de manifester, donc l'idée de faire quelque chose où la police intervient est au-dessus de leur forces. Mais ce n'est pas plus grave que cela, soyons-en conscients.
Il est d'ailleurs parfaitement possible d'adopter la même grille de lecture pour les problèmes des banlieues. Là viennent se mixer des problèmes autrement plus importants (intégration, pauvreté, chômage, islam) mais on ne peut nier que les échauffourées de certains jeunes contre les policiers, malgré leur violence, ne sont probablement rien d'autre, à la base, que des jeux éternels du chat et de la souris, du jeune désoeuvré contre le représentant local de l'Etat, ici, le policier.
Les années passant, tous ces mouvements voient la majorité de leurs membres les quitter et se ranger. Il y a un moment où il faut en finir avec les bêtises adolescentes, l'impératif de construction d'un foyer, et de l'obtention d'un travail venant contrecarrer les ardeurs militantes. Bien évidemment, l'encadrement reste en place, et est assuré par des adultes, seul moyen de tempérer l'ardeur juvénile des membres et de soigneusement calibrer les interventions, histoire de limiter les risques juridiques. D'où le calme des responsables de ces mouvements, qui savent très bien jusqu'où ils peuvent aller.
Tout ça pour dire que Civitas et le Renouveau français, qui représentent l'aile dure de Civitas, prospèrent dans cette dynamique, les jeunes enflammés ne manquant pas. On peut, lorsqu'on les entend, crier au loup et dénoncer leur discours insupportables. Que certains de leurs discours soient difficilement audibles, parce que trop marqués, c'est tout à fait vrai. Je ne me permettrai pas de dire s'ils sont ou ne sont pas catholiques, ayant renoncé depuis un certain temps déjà, à distribuer des brevets de catholicité à certains de ceux que j'ai pu considérer par le passé comme des adversaires. Je ne le ferai donc pas pour ceux qui pourraient être proches de mes idées. Ils sont dans leur droit lorsqu'ils posent la question de la légitimité du blasphème. Le problème étant que la salissure du Christ peut se justifier par beaucoup de moyens différents. L'usage de l'intelligence est tel qu'il est possible de justifier beaucoup de comportements qui ne sont rien d'autre que scandaleux. On ne peut pas tout accepter sous prétexte de charité.
Mais l'on peut aussi, et c'est là-dessus que j'insiste, RELATIVISER tout ceci, laisser des jeunes prier devant des bobos sans en faire tout un foin. Comme si démocratie ou république étaient mises en danger par une poignée de jeunes en prière. Comme si la paix sociale dépendait de la tranquillité des spectateurs d'une pièce de théâtre blasphématoire. Certains bobos faisant de la provocation gratuite, il ne m'est pas non plus désagréable qu'ils se rendent compte qu'ils manipulent des images et des sujets importants pour certaines personnes. Je suis tout à fait d'accord que ce n'est pas le meilleur moyen de les convaincre, le meilleur étant bien évidemment la personnalisation, la connaissance des gens, des sensibilités, des blessures des uns et des autres afin d'expliciter ce qui pose problème, mais à défaut, des prières publiques de réparation, adjointes à un courrier poli de protestation ne me semblent pas non plus être d'une violence caractérisée. Ce qui a été la première initiative de Civitas, rappelons-le.
A l'extrême-limite, en poussant le bouchon un peu loin, on pourrait même remercier ces mouvements, en encadrant des jeunes qui ne manqueraient pas de faire des conneries aussi grosses qu'eux, s'ils ne l'étaient pas. C'est même le problème qu'on a avec les banlieues, l'absence d'un encadrement soucieux de respecter un tant soit peu la loi se faisant criante. Ou le seul encadrement étant celui de gens justement hors-la-loi, donc plus susceptibles d'utiliser les jeunes contre la police que de canaliser leur énergie dans un sens qui ne soit pas trop dommageable pour tous. Ainsi, durant ces événements, la jambe d'un jeune de l'Action Française a été écrasée alors qu'il était maintenu à terre par des policiers. Il a été emmené aux urgences, et la situation n'a pas particulièrement dégénéré ensuite. Imaginez ce qui se serait passé si ça avait été des jeunes de banlieue. L'absence d'encadrement aurait pu laisser les choses s'enflammer de manière beaucoup plus importante, avec des cocktails Molotov et autres joyeusetés en prime.
Le problème n'est pas donc de savoir si ces mouvements ont raison ou pas, le problème est de savoir s'il est vraiment pertinent pour les commentateurs de relayer toutes leurs initiatives, sachant que la motivation de tout ça est davantage de dépenser les énergies, qui perdureront de toute façon, que de mettre en place un projet politique ou religieux. Sachant que ce n'est pas parce que vous êtes catholiques que vous êtes chargé d'assumer les bêtises de TOUS les catholiques.