Fin de vie en soins palliatifs

Publié le 29 Novembre 2009

Il arrive que le Monde publie d'excellents articles comme celui-ci. Je n'arrête pas de le dire et de le répéter, l'euthanasie, c'est vraiment une obsession de bien-portant, et les demandes des malades, des appels au secours. Via Philippe Edmond.

Euthanasie : le dernier qui se lasse...
par Claire Fourcade LEMONDE.FR | 26.11.09 | 11h49

Extraits de dialogues entre patients et médecins...

Madame C. :
Docteur, je n'en peux plus ! Faites quelque chose ! Je veux me suicider.
- Qu'attendez-vous de moi ?
- Docteur, je ne veux pas mourir !

Monsieur V. :
Au moment du diagnostic de sa maladie, il a déclaré vouloir être euthanasié quand son état se dégraderait. Quelques temps après il a quitté son pays, la Hollande, où la pratique de l'euthanasie est légale, pour venir s'installer en France, pays où la loi l'interdit.

Madame S. :

Son mari s'est installé dans le bureau. Il nous parle de sa femme. Sa femme depuis 46 ans. Sa femme qui meurt deux étages au-dessus.
Il ne peut pas le supporter.
Elle est calme, elle ne souffre pas, elle dure.
Il nous semble, à nous soignants, qu'elle prend pour mourir le temps qui lui est nécessaire.
Pour lui chaque instant de ce silence est une violence, une absurdité, un non-sens.
Ce n'est plus sa femme, elle n'est plus là, il faut qu'elle meure.
C'est pourtant son temps à elle. Et c'est la loi.
La loi sur laquelle nous nous appuyons pour faire rempart à cette marée de souffrance.
- Ce qu'elle aurait aimé, c'est de revoir son petit chien...
- Pourquoi ne le lui amenez-vous pas ?
- C'est que, si elle ouvrait les yeux et qu'elle le voyait, elle serait si contente qu'elle pourrait en mourir. Alors je ne préfère pas...

Madame R. :
Certains de ses fils se demandent quel sens donner à cette attente d'une mort certaine. Ils pensent que, peut-être, elle n'aurait pas voulu cela. Ne faudrait-il pas abréger ses souffrances ? Ils s'inquiètent aussi pour la santé de son mari qui veille sur elle jour et nuit depuis si longtemps.
D'une voix claire celui-ci a pris la parole : "Votre mère nous a traités comme des rois pendant 40 ans, nous la traiterons comme une reine le temps qu'il faudra."

Midazolam : C'est un médicament bien particulier. Un médicament qui permet souvent d'apaiser en quelques minutes les plus grandes détresses physiques ou psychologiques. Parfois, mais pas toujours, au prix de la vigilance de nos patients. Un médicament dont nous veillons à ne pas abuser mais dont nous n'hésitons jamais à faire usage quand le confort de nos patients nous semble l'imposer.
Un médicament qui me permet de promettre à mes patients de ne pas les abandonner sans avoir ensuite envie de me sauver en courant.
"Laisser mourir n'est pas laisser crever".

Madame T. :
Elle voudrait qu'on euthanasie sa mère. C'est que, voyez-vous, elle a travaillé dans une clinique vétérinaire et même les chiens on ne les laisse pas mourir comme ça.
Tout doucement j'essaie de lui faire entendre qu'on ne peut traiter un être humain comme un chien.
- Mais docteur, me répond-elle, les chiens sont des êtres humains comme les autres !
- ????????????

Monsieur S. :
Il est mort ce matin à la clinique.
Sa fille et son gendre nous avaient demandé l'euthanasie pour lui. La discussion avait été houleuse. Nous savions que nous n'avions pu être entendus. Parfois nous avons cette impression douloureuse de parler dans le vide, de réciter des mots creux qui ne font pas sens pour ceux qui les reçoivent et que nous essayons d'aider.
Mais Monsieur S., rentré chez lui pour le week-end, a fait un arrêt cardiaque : ils l'ont réanimé et ont appelé le Samu.

Madame A. :

Après des années d'épreuve, certains de ses enfants pensent que son coeur est brisé. Que le maladie a tout dévasté et qu'il ne reste plus que la mort.
Ils pensent qu'ici c'est l'enfer et qu'au ciel elle serait mieux.
Elle ne parle pas mais elle communique.
Parfois son mari lui dit: "Ne me crie pas dessus !" et c'est vrai qu'elle peut crier avec les yeux.
Je la regarde intensément. Je l'écoute avec mes yeux pour être sûre de bien comprendre.
Et dans ses yeux qui brillent, je vois son coeur. Il est intact. J'ai la conviction que dans son enfer il y a de petits morceaux de ciel et qu'elle y tient.

"Quand c'est trop de souffrance, des soignants, de la famille et du patient, le dernier qui se lasse, c'est le patient", a dit le Dr. Jean Léonetti.
Depuis dix ans, nous avons pris en charge plus de 3000 patients. 3000 histoires singulières, différentes. 3000 fois nous avons essayé d'écouter, d'entendre, d'adapter notre réponse.
En soins palliatifs nous ne faisons pas de prêt-à-porter. Seulement du sur-mesure, de la haute couture.
Jamais, à ce jour, je ne me suis trouvée en situation de me dire que la seule façon de respecter mon patient était de transgresser la loi pour le faire mourir. Peut-être, un jour, une situation particulière me conduira-t-elle à prendre cette décision.  Je veux que cela reste une transgression.


Claire Fourcade est médecin coordinateur de l'équipe de soins palliatifs de la clinique "Les Genêts" à Narbonne.

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Pro-vie

Repost0
Commenter cet article
S
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> Bouleversants témoignages même si je reste persuadée qu'il y a des cas où des êtres humains souhaitent  vraiment mourir... et bravo au personnel soignant.<br /> <br /> <br />
Répondre
D
<br /> Et celui-là donc ! <br /> <br /> <br /> Point de vue<br /> <br /> Morts de droite ou de gauche ? Un débat indigne ! par Renée Sebag-Lanöe<br /> <br /> <br /> LEMONDE.FR | 26.11.09<br /> <br /> <br /> Je suis littéralement atterrée de voir les socialistes déposer et soutenir une proposition de loi en faveur de l'euthanasie. Toujours de gauche (mes parents<br /> étaient communistes), j'ai voté PS durant de longues années… (mais Europe Ecologie aux élections européennes en juin). J'ai fait partie des pionniers des soins palliatifs en France et en Europe<br /> dans des groupes hétérogènes où se trouvaient mêlés médecins, psys, soignants, philosophes… catholiques, juifs, protestants… croyants et non-croyants et pour finir personnalités plutôt à gauche<br /> ou plutôt à droite ! Membre de la commission ministérielle présidée par Mme Geneviève Laroque, j'ai participé à l'élaboration de la Circulaire relative à l'organisation des soins et de<br /> l'accompagnement des patients en phase terminale en 1986.<br /> <br /> <br /> La même année j'ai publié Mourir accompagné chez un éditeur catholique, DDB, parce qu'une grande maison d'édition, plus "neutre" avait eu peur du sujet, après<br /> avoir accepté le manuscrit ! Ce livre témoignait de la pratique que mon équipe et moi-même avions déjà acquise dans ce domaine auprès de nos patients gériatriques à l'hôpital Paul-Brousse (APHP)<br /> de Villejuif. Dès cette époque, plus encore au fil des années du fait de notre expérience croissante et jusqu'à la cessation de mes activités professionnelles en 2003, j'ai pu constater le<br /> caractère exceptionnel des demandes d'euthanasie dès lors que les patients sont correctement soulagés et accompagnés. J'ai vu d'ailleurs des adhérents de l'ADMD se satisfaire de nos soins<br /> palliatifs sans plus demander d'euthanasie… !<br /> <br /> <br /> Notre "clientèle" était gériatrique, atteinte de pathologies variées aux stades palliatif ou terminal (cancers, pathologies neurologiques ou démentielles,<br /> poly-pathologies). Nous pratiquions, en équipe, la réflexion éthique permanente pour choisir la typologie et l'intensité de soins la plus adaptée à chaque patient. Et nous avions cherché à bannir<br /> l'acharnement thérapeutique de nos attitudes pour respecter nos malades et leurs désirs de soin, bien avant la loi Léonetti de 2005.<br /> <br /> <br /> Enfin, nous avions le souci constant de lutter contre la douleur et la souffrance psychologique des patients, mais aussi de soutenir les familles et les<br /> soignants, puisque nous avions constaté que c'est souvent le mélange des souffrances non prises en compte, du patient, de la famille et des soignants, qui fait le lit des demandes ou des actes<br /> d'euthanasie.<br /> <br /> <br /> Aujourd'hui, grâce à la création d'unités et d'équipes mobiles de soins palliatifs, au développement de la formation et de l'enseignement des professionnels, à<br /> l'action de bénévoles d'accompagnement regroupés en associations, la pratique des soins palliatifs s'est largement développée en France.<br /> <br /> <br /> Pour répondre à ces nouveaux besoins de santé publique générés par les évolutions de la médecine et le déplacement de la mort vers les institutions, les patients<br /> et les familles qui bénéficient ou ont bénéficié de soins palliatifs et d'un accompagnement sont beaucoup plus nombreux que les cas particuliers de demandes d'euthanasie non satisfaites, faute de<br /> loi !! Mais on en parle beaucoup moins dans les médias… !<br /> <br /> <br /> La loi Léonetti de 2005 a donné de surcroît à cette médecine de la fin de la vie un cadre juridique qui paraît d'autant plus satisfaisant qu'il proscrit<br /> l'acharnement thérapeutique, oblige à traiter la douleur de manière efficace, fût-ce au prix d'un raccourcissement de la vie, et prévoit la possibilité de laisser des directives anticipées et de<br /> choisir une personne de confiance pour dire le désir de soins de la personne, au cas où elle ne serait plus en mesure de le faire elle-même. Il est vrai que le développement des structures et de<br /> l'enseignement des soins palliatifs est encore insuffisant et doit être poursuivi avec des moyens en conséquence et non seulement des annonces (!), il est vrai que la loi de 2005 n'est pas encore<br /> suffisamment connue du grand public. Notamment, la possibilité de donner des directives anticipées et de choisir une personne de confiance, démarches particulièrement propres à rassurer les<br /> personnes sur la qualité de leur fin de vie, sans craindre d'être livrées à des professionnels sans pouvoir donner leur avis, n'est encore ni bien connue ni bien utilisée. Et il y a beaucoup de<br /> chemin à faire et de moyens financiers à mettre en œuvre pour donner sa vraie place à la médecine de la fin de la vie devenue tout aussi indispensable que celle de la naissance. Est-ce pour<br /> autant qu'il faut légiférer pour autoriser la pratique de l'euthanasie ? Non! J'en ai toujours été convaincue, persiste et signe. Et ce, alors que je suis foncièrement de gauche.<br /> <br /> <br /> Allons-nous assister à un nouvel avatar du débat sur l'euthanasie qui dure depuis 1984 ? Avec cette fois un côté politique affirmé ! Avec la droite chrétienne<br /> pour les soins palliatifs ! Et la gauche des intellectuels et des libres penseurs pour l'euthanasie ! (beaucoup d'intellectuels soutiennent L'Association pour le Droit de Mourir dans la<br /> Dignité…). Je m'inscris en faux contre cette dichotomie, puisque je suis de gauche, non catholique, mais de famille juive non croyante et non pratiquante. Toute mon expérience et celle de mon<br /> équipe se sont toujours conçues dans une optique de respect de la personne humaine, de respect de la vie et de la mort, bref dans une ligne de pensée tout simplement humaniste. La meilleure<br /> preuve en est que notre collectif soignant, très soudé dans son travail pionnier, comptait - mais nous ne l'avons su que plus tard - des croyants de religions variées et des non-croyants… ce qui<br /> ne changeait absolument rien à nos attitudes communes de soins !<br /> <br /> <br /> J'attends autre chose de la gauche et du PS ! Qu'ils développent énergiquement la pratique et l'enseignement des soins palliatifs ! Avec des moyens à la hauteur<br /> des besoins et des enjeux. Et qu'ils réfléchissent avec lucidité : au prétexte d'avoir voulu répondre à la demande de quelques-uns en situation de fin de vie, ne pourra-t-on pas les accuser<br /> d'avoir voulu par la même occasion résoudre à bon compte des problèmes de dépenses de santé ? Puisque, on le sait bien, ce sont les derniers mois de la vie qui coûtent cher…<br /> <br /> <br /> Et des dépenses pour qui ? Pour des personnes âgées ou très âgées, puisque ce sont elles qui sont aujourd'hui principalement concernées par la médecine de fin de<br /> vie, en raison du recul constant de l'âge de la mort… (75 % des décès surviennent à 70 ans ou au-delà aujourd'hui, et 90 % en 2050). Ou alors, puisque la loi n'est pas faite pour des individus<br /> mais p<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre