L'évêque de Recife s'explique

Publié le 28 Mai 2009

A l'heure où une veillée de prière est organisée à Paris pour la Vie, et où le primat des Gaules vient prier pour les victimes de l'avortement, avec le Dr Dor, ancien détenu des geôles de la République, le cardinal Recife vient s'expliquer sur l'affaire qui a marqué son diocèse en Février.

Et le moins que l'on puisse dire est que cela n'a rien à voir avec la caricature qu'on a présenté il y a quelques mois.

Certains, lorsqu’ils parlent de la publicité donnée à cette affaire, affirment qu’il n’était pas «opportun» de parler d’excommunication. Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue. On me dit presque qu’il aurait fallu oublier ce que dit le Droit canon à propos de l’excommunication. Mon opinion est différente. Je dis que cette loi existe pour le bien de l’Eglise. Et ce n’est pas moi qui ai excommunié quiconque, comme je l’ai répété maintes fois. Ceux qui m’accusent affirment que c’est moi qui ai «excommunié», et c’est totalement faux : j’ai simplement attiré l’attention sur une loi qui existe dans l’Eglise, le canon 1398. Et je me demande : convient-il de faire silence, comme beaucoup le prétendent ? Aurait-il mieux valu que je ne parle pas du tout d’excommunication ? Eh bien, je réponds que je ne suis pas d’accord. C’est une loi de l’Eglise, pour le bien de l’Eglise. Elle existe depuis plusieurs siècles. Le nouveau Code de droit canonique, promulgué en 1983 par le serviteur de Dieu Jean-Paul II, réitère cette loi, tout comme le Catéchisme de l’Eglise catholique, publié par le même pape en 1992, répète cette loi et la commente. Vaudrait-il donc mieux se taire ? Eh bien, à mon avis, il est de la plus haute importance d’attirer l’attention de tous et surtout des fidèles catholiques sur la gravité du crime de l’avortement. C’est pour cela que la loi existe.

Nous autres, dans notre diocèse, avons reçu tant de messages de tant de personnes qui me disent : «Aujourd’hui, je comprends mieux la gravité de l’avortement, et je vais changer ma conscience.» A mon avis, le fait d’attirer l’attention sur l’existence de cette excommunication produit un bien spirituel chez les fidèles catholiques, mais aussi chez les autres qui réalisent en apparence tranquillement des avortements et qui vont désormais, je le crois, peser dans leur conscience la gravité de ce qu’ils font. Et telle est la finalité de cette loi de l’Eglise, de cette pénalité d’excommunication : elle est médicinale. C’est un remède en vue de la conversion de tous. Et pour la personne qui l’encourt, un moyen de lui faire comprendre qu’elle va devoir répondre de son acte devant Dieu. Avec l’Eglise, nous désirons que tous, même ceux qui suivent aujourd’hui un chemin d’erreur, se remettent à vivre en accord avec la loi de Dieu. Nous ne voulons la condamnation éternelle de personne. A mon avis, le silence – ne pas parler d’excommunication – causerait un grave tort à l’Eglise.

 

 Plus encore, j’ai l’impression que certains parmi ceux qui s’expriment contre moi sont quasiment en train d’insinuer qu’il vaudrait mieux abroger le canon de l’excommunication. Mais l’Eglise ne pense pas cela. L’Eglise maintient cette loi, parce que pour le bien commun de l’Eglise, il est nécessaire, quand il s’agit de délits gravissimes, qu’il y ait une loi claire, et que cette pénalité soit appliquée. Ce sont des principes d’une très grande importance. Pour moi, le silence équivaudrait à de la complicité. [...] C’est un remède spirituel. L’Eglise est investie d’une mission, qui est de mener tous les hommes au salut éternel, et de les faire vivre dans la grâce de Dieu. De fait, il est des personnes qui font «tranquillement» des avortements, et qui disent tout aussi tranquillement qu’elles vont continuer. Nous autres, en tant que catholiques, et surtout les pasteurs de l’Eglise, ne pouvons rester silencieux, comme si tout cela était très bien. C’est pourquoi je répète que ne pas parler, ne pas attirer l’attention sur la gravité, sur le sérieux de ce problème, et surtout sur le fait que l’Eglise, pour le bien commun, applique cette pénalité, serait de la complicité. Cela reviendrait quasiment à accepter cette situation si grave.

 

Ici au Brésil, on est en train de préparer une loi de légalisation de l’avortement. Nous, les catholiques, devons parler en premier lieu de la responsabilité morale. Il y a évidemment des catholiques dans notre Parlement qui défendent la loi de Dieu, mais il y en a d’autres qui soutiennent ce projet, à commencer par le président de la République. Nous ne pouvons pas rester silencieux ! [...] Il m’importe beaucoup de rappeler que les médecins qui ont réalisé l’avortement ont déclaré qu’ils pratiquent des avortements depuis longtemps, et avec « fierté». Et ils affirment qu’ils continueront. Nous ne pouvons rester silencieux face à cela. [...]

 

Il faut bien le comprendre : dès les tout premiers siècles, il y a eu des lois d’excommunication dans l’Eglise. Elles visent à protéger le bien commun de la société ecclésiale : c’est pour cela qu’il faut un droit canonique, l’aspect juridique de l’Eglise en tant que société humaine est indispensable. Nous ne pouvons espérer simplement que chacun suive sa conscience. L’Eglise doit évidemment d’abord prendre soin de la vie spirituelle de chacun, mais le bien commun, au sens technique, est très important aussi : il s’agit d’un environnement adéquat où chacun puisse vivre tranquillement. Les pénalités prévues par le Code de droit canonique ont aussi cette finalité. [...]

 

 J’ai quant à moi la conscience tranquille. Je n’attendais pas et je ne souhaitais pas ces répercussions qui ont atteint des dimensions internationales. Je répète que le bien commun de l’Eglise a besoin de ces lois latae sententiae, qui servent d’alerte permanente et qu’elle n’abrogera jamais. Elle a toujours condamné l’avortement et elle a toujours expliqué pourquoi : parce qu’il ne fait pas seulement du tort à la personne mais aussi à toute la société. Aujourd’hui, je le répète, nous en sommes à 1 million d’avortements tous les ans au Brésil, 50 millions dans le monde, et notre silence serait connivence."

 


Merci au Salon Beige et à Présent.

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Pro-vie

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G
Sauf erreur de ma part, la position de l'Église, en l'absence de déclaration de la part du pape lui-même, est celle de la conférence des évêques brésiliens. Celle-ci a déclaré que la mère de la fillette ne pouvait pas être excommuniée. Pour ce qui est des déclarations privées de Mgr Fisichella, c'est bien possible... mais c'est privé. Je ne vois pas pourquoi il faudrait en tenir compte. Tout au plus, ça génère un doute sur son expression publique et ça brouille encore un peu plus la communication de l'Église.J'en conclus que revenir sur cette triste affaire ne sert pas à grand-chose, au contraire, ça ne fait qu'ajouter de la confusion. Une seule chose est sûre, l'Église a perdu des points. Y compris au Brésil, puisque la conférence des évêques a été obligée de modérer les propos de Mgr Cardoso Sobrinho.
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P
<br /> Oui, t'as raison, j'ai des éléments qui montrent que Fisichella regrette ce qu'il a dit, et je ne devrais pas en tenir compte ? Mais bien sûr...<br /> <br /> Contrairement à ce que tu crois, les conférences nationales des évêques ne représentent pas d'autorité particulière dans l'Eglise, ce n'est rien d'autre que l'assemblée des évêques, elle n'a pas de<br /> pouvoir sur qui que ce soit, et donc Mgr Cardoso. La collégialité, c'est du pipeau en barre. Le seul qui a autorité Mgr Cardoso, c'est le pape et personne d'autre.<br /> <br /> Quant à conclure qu'il ne faut jamais parler des sujets qui fâchent, oui, c'est ce que j'entends toujours de la part des modérés. Rien de nouveau sous le soleil, donc.<br /> <br /> <br />
C
Ah ben oui mais alors si tu caches à tes lecteurs ce genre d’infos aussi, comment veux-tu que nous restions pertinents ? :D Plus sérieusement, et sans vouloir refaire un débat qui a déjà eu lieu, il ne s’agit pas de contester la réalité - voire même la nécessité - de l’excommunication automatique dans les cas d’avortement, mais de prendre position sur ce cas particulier. Et dans ce cas particulier, je peine à voir une quelconque efficience à l’argument ‘cet évêque ne se détache en rien de la doctrine catholique’.Et je persiste à ne pas comprendre ta phrase d’intro « Et le moins que l'on puisse dire est que cela n'a rien à voir avec la caricature qu'on a présenté il y a quelques mois. »Peut-être développe-t-il plus sa pensée sur ce point du droit canon.Mais, dans cet extrait, il n’y a rien de nouveau ni sur le fond de la question de l’avortement, ni sur ce cas particulier.Enfin, il le dit lui-même : « j’ai l’impression que certains parmi ceux qui s’expriment contre moi sont quasiment en train d’insinuer qu’il vaudrait mieux abroger le canon de l’excommunication ».Bien vu. Et de mon point de vue extérieur, quoique plutôt allié, je constate une fois de plus que l’extrêmisme n’en finit pas de nuire à ses propres objectifs. Vouloir défendre la vie et in fine inciter des croyants à souhaiter l’abrogation d’un point du droit canon et des non croyants à un peu plus mépriser l’Eglise… quelle performance !
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P
<br /> Il faut arrêter. Les croyants qui pourraient souhaiter la suppression de ces articles du droit canon n'ont pas compris grand-chose à la religion en général, et à l'Eglise en particulier. Si l'on<br /> agit toujours en fonction de ce que pensent les plus progressistes dans une institution donnée, il est clair que l'on ne fera rien, voire même que l'on se reniera. Se décider en fonction de ce que<br /> ces modérés pourraient penser n'a aucun sens. On agit en fonction de la vérité, pas du qu'en diras-t-on, d'où qu'il vienne. Rien de plus crispant et de plus énervant que le point de vue des<br /> modérés, toujours à s'interroger sur la pertinence d'annoncer et de dire clairement les choses. L'Eglise n'est pas là pour être populaire, c'est aussi simple que cela.<br /> <br /> Quant au fait qu'il se détacherait de la doctrine catholique, c'est lorsque l'on dit qu'il a été désavoué par ses pairs.<br /> <br /> <br />
C
La tribune de Mgr Fisichella ne peut-elle pas être considérée comme la position officielle du Vatican et donc de l’Eglise ?Or, elle se démarque très nettement du discours de l’évêque de Récife.
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P
<br /> Non, non et non.<br /> <br /> Parce que Mgr Fisichella a admis, à titre privé, s'être planté dans les grandes largeurs à ce sujet, qu'il a admis s'être fait manipuler sur ce qu'il s'était vraiment passé, parce que même si c'est<br /> l'Osservatore Romano, cela ne représente pas la voix du pape, et puis enfin, parce que l'evêque de Recife ne se détache en rien de la doctrine catholique.<br /> <br /> <br />
F
Je ne vois pas non plus ce qu'on apprend sur la position de l'évêque dans ce texte. Il persiste à professer une position contraire à celle de l'Eglise, celle selon laquelle la mère était excommuniée. Il persiste donc dans l'erreur. Quant à savoir s'il commet en outre une faute tactique dans le combat qui est le sien et le vôtre, cela me paraît évident, et Gwinfrid explique fort bien pourquoi, et pourquoi vous ne le percevez pas.
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P
<br /> Position contraire à celle de l'Eglise ? Gné ?<br /> <br /> <br />
J
Merci à tous de votre intérêt pour cette interview.Vous n'en voyez ici que des extraits. Le texte complet rappelle comment se sont passées les choses, et combien le curé de la paroisse d'origine de la fillette ainsi que l'archevêque de Recife s'étaient mobilisés pour lui venir en aide sur tous les plans. Cela vous intéresse-t-il de la lire dans son intégralité ? Envoyez-nous un courriel à present arobase present point fr pour un abonnement d'essai gratuit à "Présent" pour un mois ; vous trouverez l'article dans la rubrique "derniers parus" sous le numéro 6850, vendredi 29 mai.(- C'est une opération publicitaire ? - Oui et non. Je ne veux pas pour l'instant mettre en ligne un contenu "exclusif" de Présent. Je ne veux pas non plus que la publication partielle donne une fausse idée de Mgr Cardoso Sobrinho. - Si vous lisez l'anglais, j'ai en revanche posté la tradution sur mon blog.)AmitiésJeanne Smits
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