Et si on parlait cinoche?
Publié le 7 Juin 2006
Et plus précisément du prix d'interprétation masculine remis à Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan, pour leur rôle dans le film Indigènes de Rachid Bouchareb.
Tout d'abord, il s'agit, ainsi que l'a été le documentaire de Michael Moore il y a deux ans, d'un prix politique. Pour récompenser quoi? Un film qui retrace l'histoire des milliers de Maghrébins morts pour la France, et du manque de reconnaissance qui s'en est suivi.
On a assisté à une scène peu commune puisqu'on y a vu les primés entonner le chant des Africains, patriotique s'il en est, que je confesse avoir appris des mon plus jeune âge:
Chant des Africains
C'est nous les Africains qui revenons de loin
Nous venons des Colonies pour défendre la patrie
Nous avons laissé là-bas nos parents nos amis
Et nous avons au cœur
Une invincible ardeur
Car nous voulons porter haut et fier
Le beau drapeau de notre France entière
Et si quelqu'un venait à y toucher, à y toucher
Nous serions là pour mourir à ses pieds,
Oui à ses pieds battez tambours,
A nos amours,
Pour le pays
Pour la Patrie
Mourir au loin
C'est nous les Africains.
Nous étions au fond de l'Afrique
Gardiens jaloux de nos couleurs, de nos couleurs,
Quand sous un soleil magnifique
Retentissait ce cri vainqueur
En avant, en avant, en avant.
Pour le salut de notre Empire
Nous combattons tous les vautours, tous les vautours
La faim la mort nous font sourire
Quand nous luttons pour nos amours
En avant, en avant. en avant.
De tous les horizons de France
Groupés sur le sol africain, sol africain
Nous venons pour la délivrance
Qui par nous se fera demain
En avant, en avant, en avant.
Et lorsque finira la guerre
Nous reviendrons dans nos gourbis, dans nos gourbis
Le cœur joyeux et l'âme fière
D'avoir libéré le pays
En criant, en chantant, en avant,
Ce chant composé en 1915 est devenu celui de la première armée du général de Lattre de Tassigny, qui sera notamment l'hymne de certaines troupes du débarquement de Provence.
Mais d'où me vient ce malaise, à entendre ce chant tout à fait respectable? Je ne conteste pas que la France s'est bien mal comportée. A voir les harkis et bien d'autres, nous nous sommes fait une spécialité de trahir tous ceux qui l'avaient dignement servie. La plupart des tirailleurs ne recoivent toujours pas les pensions auxquelles ils ont droit, au titre d'ancien combattant.
Sauf que ce chant est aussi celui que certains n'ont pas le droit de chanter. Le Pen en 2002, lors de l'un de ses meetings l'avait entonné. Le Monde parlat aussitôt de chant à connotation coloniale, ce que vient confirmer Libération dans cet article sur Georges Frêche, qui n'hésite pas non plus à le chantonner.
Ce qui m'étonne est la lecture à deux vitesses de ce chant, en fonction du chanteur. Vieille chanson oublié pour les primés à Cannes, chant de l'OAS quand ce sont des politiques, en général liés à l'Algérie Française, qui se permettent de l'entonner.
Soyons clair, je ne dénie aucunement le droit à ces primés de le chanter. Ni même de faire venir d'anciens tirailleurs à Cannes.
Bien au contraire.
Car l'essentiel n'est pas là. Ce qui m'attriste est, plus globalement, l'utilisation des fautes de la France à des fins politiques. Ce n'est pas parceque la France a fauté, en lâchant certains Maghrébins, qu'elle est également responsable de la situation dans les cités.
Ce sont deux problèmes différents.
D'autant que si je me rappelle bien, certains descendants de harkis étaient loin d'être acceptés dans leur propre immeuble. En effet, pour nombre d'immigrés, ils n'étaient rien d'autre que des traîtres. Donc utiliser les souffrances des harkis pour expliquer les frustrations des banlieues me paraît un peu fort de café.
C'est là où le bât blesse. Libre à eux d'accuser la France d'avoir lâché les siens. Mais en profiter pour en faire un parallèle avec les banlieues, voilà ce qui me paraît malhonnête. D'autant que quelqu'un comme Samy Naceri me paraît mal placé pour pouvoir donner des leçons de morale.
Nous sommes redevables envers ces combattants, certes.
Mais le sommes nous envers leurs compatriotes arrivés sur le tard, qui n'ont pas forcèment réussi à s'intégrer, et qui mettent leur échec sur le dos de la France?
Je ne le pense pas.
Les problèmes d'éducation, d'autorité, de propagation de l'islam et de paupérisation des banlieues ne sont pas apparus parceque la France a lâché les banlieues, comme elle avait lâché ses propres combattants. Vu les montants considérables qui y ont été investi, la France ne peut être accusée d'avoir abandonné les banlieues à leur sort. Le problème est plus complexe.
Par contre, là où la société française est responsable, c'est dans l'auto-dénigrement systématique qui règne dans notre pays (merci la gauche!), et qui ne donne assurèment à aucun enfant de l'immigration, l'envie et la volonté de s'intégrer.
Ceci posé, à quand le versement de ces pensions à ces tirailleurs, qui ont ont plus que largement mérité de la patrie?