Fraude monstre à la Société Générale

Publié le 24 Janvier 2008

Ainsi donc la Société Générale affiche une perte de 4.9 milliards d'euros (soit au cours actuel de l'euro, à peu près 7 milliards de dollars). Cette perte, due semble-t-il, à un seul trader, Jérome Kerviel, la place en tête de toutes les catastrophes financières, que ce soit le récent Amaranth (6 milliards de dollars), le systèmatique LTCM (4.6 milliards de dollars) ou la très médiatique Barings (1.3 miliards de dollars). Au moins la France peut-elle se targuer de dépasser les Etats-Unis en la matière !

Malgré tout, il ne faut pas oublier que, sur l'année 2007, la Société Générale affiche tout de même un bénéfice de 800 millions d'euros. C'est dire si, malgré les subprimes, l'activité de la banque avait été bonne. Par ailleurs, cela n'entame en rien la solidité financière et comptable de l'entreprises, et ne concerne aucunement les comptes qu'elle héberge. On ne peut donc pas comparer cette fraude à la faillite de Northern Rock.

Les positions prises par le trader étaient connues de tous, et ont une ampleur estimée de 40 à 50 milliards d'euros. Inutile de dire qu'avec des montants pareils, il est tout de même étonnant que personne n'ait rien vu ces derniers mois. L'explication officielle de la Société Générale est la suivante. Ancien salarié du contrôle des risques, le trader connaissait parfaitement toutes les procédures de contrôle, et a pu donc créer des couvertures factices, permettant de camoufler des positions qui, elles, étaient bien réelles.

Découvrant vendredi dernier, lors d'un contrôle de routine, l'ampleur des malversations, les responsables du risque de la Société Générale, ont clôturé les positions de la banque lundi dernier, au moment du krach boursier, empirant donc les pertes. Je serais incapable de vous dire si c'est le krach qui a empiré les pertes de la banque, ou si ce sont les ventes de la banque qui ont crée le krach...

Mis à part ce débouclage précipité, cette fraude, dans l'état actuel des informations, ne semblerait avoir qu'un lien éloigné avec les subprimes. D'ailleurs, sur ce plan-là, les provisions passées sont de 2 milliards d'euros, montant plus important qu'attendu, pour une banque française, mais beaucoup moins que les provisions passées dans les banques allemandes.

Ce qui est certain, par contre, c'est que la banque est désormais en position de faiblesse face à un éventuel agresseur. Elle, la première banque mondiale sur les produits dérivés, elle, la banque qui se targuait de maitriser parfaitement le contrôle des risques, perd toute sa réputation dans cette histoire. Or depuis quelques années, le marché attend une fusion de la Société Générale avec l'un de ses concurrents. Son prix, jusque là, élevé pouvant dissuader nombre d'investisseurs, il serait étonnant que le prix de l'action ne tente pas les ardeurs de certains. Depuis son plus haut à 150 €, atteint en Juin dernier, l'action a été divisé par 2.

Bouton avait réussi à repousser l'offre hostile de Michel Pébereau, PDG de BNP, il y a une dizaine d'années. Il est improbable qu'il parvienne à  faire de même pour la prochaine attaque. Proposant ce matin sa démission au conseil d'administration de la banque, celle-ci a été refusée, sans doute pour le laisser en place jusqu'à la vente de la Société Générale. Effectivement, il est aujourd'hui le mieux placé pour négocier une telle opération.

Alors, qui sera le premier à lancer l'OPA ? Les Italiens, via Unicredito ? La BNP, au nom du patriotisme économique ? Ou doit-on s'attendre une alliance afin de dépecer la Société Générale, à la manière de l'offre lancée sur ABN Amro, il y a quelques mois ? Celle-ci ne manquerait pas de logique, le réseau de la Société Générale, très urbain, pouvant intéresser une banque étrangère n'ayant pas de filiale française, et l'activité de marché, leader sur les produits dérivés, pouvant attirer un concurrent français.

La question est donc ouverte, et ne manquera pas d'être passionnante à suivre.

PS: A noter que cette affaire signe l'échec des réglementations bancaires incessantes que ne cessent de pondre nos gouvernants, telles que Bale 2.

 

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Finance

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T
il a bien raison d'être prudent notre chafouin vu l'annonce faite par les avocats de Kerviel ce soir...Un bon pro !
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L
Mais attends... Le parquet de paris a dit lui-même quel'affaire étaitv achement complexe... Tout le monde crie haro sur ce M. Untel, on va attendre devant son appart, et tout, alors que tout ce qu'on sait sur lui c'est la SG qui le dit! Méfiance, je dis. ça me paraît un peu gros tout ça. Ne tombe pas dans le piège!
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L
"due à un trader véreux, Jérome Kerviel"C'est pas un peu hâtif, ça?
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P
Ouais un peu (je reconnais ton professionnalisme).... :-)En même temps, je vois la logique d'ici, on est pris dans l'engrenage, on n'ose rien dire à personne, et puis on empire les choses au lieu de les résoudre, alors que la seule chose intelligente à faire est de tout dire.
E
Franchement Polydamas, il est évident que la direction était au courant de tout depuis des mois, vous savez bien et même mieux que moi que l'on n'engage pas 50 000 M€ comme ça! Surtout à la SG qui est réputée pour avoir un contrôle très rigoureux (!!!!!) D'ailleurs tous les professionnels des salles de marché sont incrédules. Cette intox passe bien parce que ces opérations sont tellement nébuleuses que les gens n'y comprennent rien, et c'est bien normal.Ces positions étaient connues, et Bouton est un menteur et un imposteur. Après avoir exploité la naïveté et l'ignorance des gens, il essaie de mettre ça sur le dos du "terrorisme" pour faire jouer la psychose collective!C'est vraiment incroyable qu'on le laisse dire des choses pareilles. D'ailleurs, les propos de Noyer ne sont oas moins scandaleux...Bonne journée quand même.
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P
Clair que les explications de la Sogé ont intérêt à être solides, parce que là, c'est tout de même un peu fort de café...
A
Pourquoi ,la Sté Gale a-t-elle vendu au plus mauvais moment ????Et pas ce soir, par exemple ????????
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P
Parce qu'elle n'avait pas vraiment le choix. Après je n'ai pas plus d'éléments.