Kahn prend sa retraite
Publié le 7 Janvier 2008
Entretien intéressant de Jean-François Kahn dans le Monde, à l'occasion de son départ à la
retraite. Comme à l'accoutumée, il défend tout et le contraire de tout dans le même texte.
Ses saillies vont me manquer, pour une fois qu'il y avait un journaliste qui ne gardait pas sa langue dans sa poche. On se souvient de ses propos sur l'immigration ou sur le drapeau français notamment, même si l'on sent bien qu'il adopte ces positions, beaucoup plus par anticonformisme viscéral, que par conviction réelle.
Plusieurs éléments à signaler dont notamment celui-ci :
On sait que le syndicat de la NMPP bloque toutes les tentatives d'ouverture du marché de l'imprimerie, et que ses cotisants sont plus que privilégiés. Mais rien n'y fait, malgré le constat d'échec que dresse JFK, il a tout de même le culot d'affirmer que non seulement, idéologiquement, il y demeure favorable mais qu'en plus, il reste hostile à l'économie de marché dans cette industrie.
Ce discours est typique de nos auto-proclamés intellectuels français. On sait que ça marche pas, on sait qu'il n'y a rien à faire, mais il faut quand même obliger le consommateur à payer pour une idéologie qui n'est pas la sienne. JFK, faudrait vraiment savoir ce que tu veux...
En outre, ce monsieur n'a visiblement pas l'air de connaitre les trésors d'ingéniosité que sont contraints de déployer les représentants de la presse nationale, qui ne s'en sortent qu'au prix de miracles chaque jour renouvelés, et ce, sans subventions, ou aide gracieuse d'un généreux mécène. Ces derniers, ne vivant que grace à l'aide de leurs lecteurs, sont probablement cent fois plus indépendants que JFK ne l'a jamais été, de toute sa carrière de journaliste.
Par ailleurs, autre constat qu'il établit:
Tout d'abord, on peut noter qu'il est assez étonnant de constater que ces personnes prennent le temps d'écrire une lettre au journal pour demander de plus amples explications, sans même faire l'effort de chercher sur Wikipédia, ou, mieux, d'ouvrir un dictionnaire. Pourtant, ce n'est vraiment pas ce qu'il y a de plus compliqué...
Autre aspect intéressant, JFK plaide pour le nivellement par le bas, au nom du pragmatisme.
Au lieu de redresser le niveau, de pondre des articles à vocation pédagogique sur le général Boulanger ou Yalta, JFK appelle à appauvrir le langage. On l'a connu plus réactionnaire. Pourtant il ferait mieux de chercher de son côté.
A force de crier au complot sarkozyste, à la main-mise de Sarko sur les médias, il ne fait rien d'autre que jouer le jeu de son adversaire, en étalant à longueur de colonnes sa détestation du sarkozysme et par la même occasion, en appauvrissant considérablement le champ du débat. En effet, Sarko a le génie de donner aux médias ce qu'ils veulent, c'est à dire une actualité, un emploi du temps, une thématique tous les jours ou presque. La véritable opposition pour JFK, au lieu de crier contre cette instrumentalisation des médias, est donc, loin de rentrer dans le jeu du président, d'aborder des articles de fond, de développer la culture, de ne pas parler de Sarko, de jouer l'indifférence. Mais c'est probablement un exercice trop dur pour JFK, qui lui aussi, cède au charme du narcissisme, en n'hésitant pas à faire publier par le journal dont il est rédacteur en chef, Marianne, une critique dithyrambique ainsi que les bonnes feuilles de son dernier bouquin. On a connu rédaction plus indépendante que celle-ci.
La culture Harry Potter n'est pas une fatalité, et JFK aurait pu lutter contre. Par des articles sur Yalta, des dossiers historiques sur la IIIe République, cela n'aurait pas manqué d'intérêt. Mais cela, JFK n'en veut point, ce qui l'intéresse, c'est le débat, l'invective, quitte à se contredire toutes les cinq minutes, c'est pas grave, du moment que cela donne l'occasion de faire un bon mot.
En fait, ce qui va me manquer chez Kahn, c'est cette outrance, cette espèce de suffisance, cette impossibilité d'analyser et de tirer des leçons de ses propres contradictions. Mais gageons que le silence l'insupporte et qu'il reviendra rapidement sur nos écrans nous vendre ses derniers bouquins, écrits du fond de sa retraite médiatique. On ne se débarrasse pas ainsi d'un sparadrap professionnel.
A bientôt, donc.
Ses saillies vont me manquer, pour une fois qu'il y avait un journaliste qui ne gardait pas sa langue dans sa poche. On se souvient de ses propos sur l'immigration ou sur le drapeau français notamment, même si l'on sent bien qu'il adopte ces positions, beaucoup plus par anticonformisme viscéral, que par conviction réelle.
Plusieurs éléments à signaler dont notamment celui-ci :
Vous dites qu'il faut "tout repenser" dans la presse. De quelle façon l'entendez-vous ?
Il faut tout remettre à plat. D'abord sur un plan technique : il n'y a pas de concurrence dans l'imprimerie et les coûts d'impression sont très chers. Malgré tous les efforts des Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP), le prix de distribution est trop élevé. Quand j'explique à des industriels le pourcentage qui passe dans la distribution, ils sont effarés. Idéologiquement, je suis favorable au système coopératif des NMPP, qui permet à tous d'être distribué partout. Mais c'est parce que Marianne a quitté les NMPP (début 2000) que nous nous en sommes sortis : 8 millions de francs (1,3 million d'euros) de coûts en moins sur une année !
On sait que le syndicat de la NMPP bloque toutes les tentatives d'ouverture du marché de l'imprimerie, et que ses cotisants sont plus que privilégiés. Mais rien n'y fait, malgré le constat d'échec que dresse JFK, il a tout de même le culot d'affirmer que non seulement, idéologiquement, il y demeure favorable mais qu'en plus, il reste hostile à l'économie de marché dans cette industrie.
Ce discours est typique de nos auto-proclamés intellectuels français. On sait que ça marche pas, on sait qu'il n'y a rien à faire, mais il faut quand même obliger le consommateur à payer pour une idéologie qui n'est pas la sienne. JFK, faudrait vraiment savoir ce que tu veux...
En outre, ce monsieur n'a visiblement pas l'air de connaitre les trésors d'ingéniosité que sont contraints de déployer les représentants de la presse nationale, qui ne s'en sortent qu'au prix de miracles chaque jour renouvelés, et ce, sans subventions, ou aide gracieuse d'un généreux mécène. Ces derniers, ne vivant que grace à l'aide de leurs lecteurs, sont probablement cent fois plus indépendants que JFK ne l'a jamais été, de toute sa carrière de journaliste.
Par ailleurs, autre constat qu'il établit:
Il faudrait donc appauvrir son vocabulaire et ses références ?
Oui, car beaucoup de gens de moins de 40 ans n'ont plus les références d'avant. Je reçois des lettres de lecteurs qui me disent qu'ils ne comprennent pas tout ce que j'écris. J'avais parlé du boulangisme, en référence au général Boulanger, ils pensaient que j'évoquais un pâtissier. J'ai écrit : "C'est une division du monde à la Yalta." Mais qui sait encore ce qu'est Yalta ? Je suis catastrophé que les jeunes ne connaissent plus l'histoire, mais il faut bien en tenir compte. Les journalistes sont furieux qu'on leur dise cela. Mais on ne doit pas faire comme les marxistes qui décrivent la réalité comme ils voudraient qu'elle soit, il faut s'adapter à elle.
Tout d'abord, on peut noter qu'il est assez étonnant de constater que ces personnes prennent le temps d'écrire une lettre au journal pour demander de plus amples explications, sans même faire l'effort de chercher sur Wikipédia, ou, mieux, d'ouvrir un dictionnaire. Pourtant, ce n'est vraiment pas ce qu'il y a de plus compliqué...
Autre aspect intéressant, JFK plaide pour le nivellement par le bas, au nom du pragmatisme.
Au lieu de redresser le niveau, de pondre des articles à vocation pédagogique sur le général Boulanger ou Yalta, JFK appelle à appauvrir le langage. On l'a connu plus réactionnaire. Pourtant il ferait mieux de chercher de son côté.
A force de crier au complot sarkozyste, à la main-mise de Sarko sur les médias, il ne fait rien d'autre que jouer le jeu de son adversaire, en étalant à longueur de colonnes sa détestation du sarkozysme et par la même occasion, en appauvrissant considérablement le champ du débat. En effet, Sarko a le génie de donner aux médias ce qu'ils veulent, c'est à dire une actualité, un emploi du temps, une thématique tous les jours ou presque. La véritable opposition pour JFK, au lieu de crier contre cette instrumentalisation des médias, est donc, loin de rentrer dans le jeu du président, d'aborder des articles de fond, de développer la culture, de ne pas parler de Sarko, de jouer l'indifférence. Mais c'est probablement un exercice trop dur pour JFK, qui lui aussi, cède au charme du narcissisme, en n'hésitant pas à faire publier par le journal dont il est rédacteur en chef, Marianne, une critique dithyrambique ainsi que les bonnes feuilles de son dernier bouquin. On a connu rédaction plus indépendante que celle-ci.
La culture Harry Potter n'est pas une fatalité, et JFK aurait pu lutter contre. Par des articles sur Yalta, des dossiers historiques sur la IIIe République, cela n'aurait pas manqué d'intérêt. Mais cela, JFK n'en veut point, ce qui l'intéresse, c'est le débat, l'invective, quitte à se contredire toutes les cinq minutes, c'est pas grave, du moment que cela donne l'occasion de faire un bon mot.
En fait, ce qui va me manquer chez Kahn, c'est cette outrance, cette espèce de suffisance, cette impossibilité d'analyser et de tirer des leçons de ses propres contradictions. Mais gageons que le silence l'insupporte et qu'il reviendra rapidement sur nos écrans nous vendre ses derniers bouquins, écrits du fond de sa retraite médiatique. On ne se débarrasse pas ainsi d'un sparadrap professionnel.
A bientôt, donc.