Coup de blues sur la réacosphère ?

Publié le 19 Décembre 2007

Le sentiment baigne en ce moment toute la "réacosphère". La lassitude, ce sentiment de lutter pour rien, de s'indigner encore et toujours, sans cesse, pour rien, ou si peu, est de retour chez les réacs.

C'est le Grand Charles qui a donné le ton.

Deuxio, réagir à un article du Monde, c’est gentil mais on a vite fait le tour. Ca donne l’impression d’une éternelle indignation, chose que je n’aime pas. S’indigner des indignations sélectives de France Culture ou du Monde, c’est être finalement un indigné professionnel. Ca laisse entendre qu’on a cru un temps à toute cette devanture, ce qui fait de vous un sombre crétin d’une naïveté redoutable.
(...)
Puis, ça tourne en rond sec, y compris ici. On a tendance à se ruer vers un prêt-à-penser qui m’emmerde.
(...)
Enfin, nous sommes dans une époque de non-politique radicale. On nous invite fermement à choisir entre des gens qui sont rigoureusement les mêmes ou qui défendent les mêmes intérêts par l’intermédiaire notamment de réseaux communs. Nous sommes dans l’anti-chambre d’un monde nouveau et c’est profondément emmerdant.


Les Enfants de la zone grise rajoutent:

On attend. Parce qu’il n’y a absolument rien d’autre à faire. L’Histoire n’a pas besoin de nous en ce moment. Elle nous a mis au chômage technique sans préavis, sans indemnité, et les seules portes que nous ouvre sa lettre de recommandation sont celles de la pharmacie ou de la morgue.
(...)
Ça n’empêche personne d’attendre utile, en bossant son endurance, en entretenant ses réflexes, en structurant sa pensée et en étoffant son réseau social. Mais pas de conneries : rien de tout ça ne hâtera l’Heure H, si jamais elle sonne quand nous sommes encore chauds. Il n’y aura personne pour donner raison après coup à ceux qui se seront noyés en nageant à contre-courant. La postérité nous a déjà oubliés. Nos contemporains nous vomissent ou nous ignorent.


Le bal des dégueulasses opine:

1) Jouer le jeu de la non-politique, en commentant sans fin des non-évènements de l'après-Histoire. En vain, car on ne peut pas lutter contre des gens qui sont payés pour commenter et même monter ces non-évènements. On ne peut pas ramer au milieu d'un marécage et se plaindre que ça pue. Et là, le marécage est un bourbier, on ne peut que boucler sur une critique de thèmes constants.
2) Donner un faux débat philosophique à une époque qui n'en connait aucun. Notre époque est celle du vide idéologique, philosophique, intellectuel et moral. Vouloir apporter une critique constructive contre une époque qui qualifie BHL d'intellectuel de gauche, c'est d'une naïveté quasi-collaboratrice.

(...)

Les Possédés savent très bien que les Valeurs (principe de Tradition, d'Historicité) et les Faits (principe de réalité) ne peuvent plus les atteindre, car ils ont été fascisés; seule la Logique, le Sens, bref, la Raison elle-même peuvent encore faire la différence. Or après l'extermination de l'autorité (au nom de la confiance dans la Raison de l'individu), on peut montrer que c'est l'autorité intérieure, cette fameuse Raison, qui est entrain d'être exterminée, pour être remplacée par le désir et rien que le désir.


En effet, on  joue avec les règles qui ne sont pas les notres, le terrain est miné d'office. XYR rajoute:

La rébellion, en tout cas sous cette forme, n'existe pas. Elle est absorbée avant même d'être formulée.

Lorsqu'on accable BHL, l'antiracisme ou je ne sais quelle trahison de Sarko, on joue le jeu, on entre dans le débat, peu importe ce que l'on dira, l'important est qu'on accepte les règles. C'est une défaite avant le coup d'envoi.

En définitive, savoir s'éloigner de cette mer de conneries, parvenir à un stade d'indifférence relative. Savoir se taire. Se taire devant SOS racisme, devant Libération, devant Sarkozy ou Kouchner, devant Canal + ou Jamel Debbouze, devant Pernot ou Taddéï. Fermer sa gueule face aux Indigènes de la République, face à Bruxelles, face à Soral ou Ben Laden. Ne plus accepter de débats virtuels, d'interlocuteurs virtuels. Laisser les pantins dans leur danse macabre et les insectes dans la fourmilière. Ne plus y entrer. Savoir jeter les cartes, et vivre enfin.


Ouais mais non.

Oui, je partage le diagnostic, mais non, je n'en partage aucunement la conclusion. Quelquepart je trouve même que ces sentiments de lassitude, d'ennui, sont justement la preuve de la maturité de la réacosphère.

Les mecs, vous avez raison sur toute la ligne, mais ce n'est pas parceque vous avez raison, que votre décision est la bonne. Car le système, il était évident dès le début qu'on ne pouvait rien faire contre. J'espère que personne n'a cru l'espace d'une seconde qu'Internet serait LE moyen de changer les choses, de renverser les rapports de force. On le sait tous qu'historiquement, ce n'est pas comme cela que ça fonctionne.

Par contre, faire le boulot, humiliant, peu gratifiant, certes, mais jamais inutile, de convaincre, d'argumenter, de proposer d'autres visions, d'autres façons de voir à des individus dont la curiosité n'a pas encore disparu, est, encore et toujours, essentiel. Car si l'on raisonne en termes systèmiques et globaux, oui, on a déjà perdu.

Et alors ?

Est-ce que cela doit m'empêcher de convaincre toutes les personnes que je peux croiser sur le net ? Absolument pas. Car les interlocuteurs virtuels sont aussi des humains. Et il arrive que les humains, pas encore lobotomisés par la StarAc, acceptent encore les arguments qu'on leur oppose, voire même, grand miracle, changent d'avis.

C'est rare mais ça arrive. Et rien que cela justifie tout notre boulot sur les blogs.

Même si il est vrai qu'on radote un peu. Mais bon, ne dit-on pas que la pédagogie, c'est avant tout de la répétition ?

Alors oui, il faut accepter l'humiliation de ne convaincre personne, de prêcher dans le vide 95 % du temps, de sentir poindre le désespoir, la lassitude, le découragement. Mais cela n'est en rien différent des militants qui nous ont précédés depuis quelques décennies.

Oui, il faut construire ces communautés que chacun de ces blogueurs évoque. Des espèces de bastion, ou l'on vivrait plus ou moins coupé du monde. Certains ont déjà choisi l'Alaska...

Mais non, il ne faut pas laisser tomber Internet, il ne faut pas non plus laisser tomber la lutte d'influence (qui est moins difficile qu'on ne pourrait le croire au prime abord), on se doit être présent. Jouer sur tous les tableaux. Communautaire et systémique. Monter des chapelles tradies, créer des écoles hors contrat, pour recréer notre univers, mais aussi investir les lobbys bruxellois.

Parce que "qui ne dit mot, consent", et que si nos adversaires décident sans que personne ne soit là, les choses iront encore en empirant. J'accorde peu de crédit à l'idée d'un clash, d'une révolution. Le système est trop solide pour cela, et beaucoup trop de gens ont intérêt à le voir perdurer. C'est pour cela que je crois plutôt en un pourrissement continu de la situation.

Et contre cela, par tous les moyens, nous devons nous élever. Pour des tas de raisons.

Pour qu'on puisse se regarder dans une glace,  pour nos enfants, pour la communauté, pour recruter, pour investir, pour être prêt si quelque chose devait arrriver, mais surtout, surtout, pour qu'il y ait, encore et toujours, une voix qui dise "je ne suis pas d'accord".

Cela dit, à voir les paragraphes rappelant que ces auteurs n'ont aucunement envie de s'arrêter, leurs commentaires, le dernier article du Grand Charles, ces mouvements d'humeur ne sont certainement rien d'autre qu'un coup de blues hivernal.

Mais il faut aller au-delà, et continuer.

Car, comme disait Ste Bernadette Soubirous:  "Je ne suis pas là pour vous faire croire (dans la vérité), mais je suis chargé de vous la dire."


PS: J'apprends à l'instant que le Bafweb est sur le point d'arrêter. Ce qui donne l'occasion à E-Deo de s'épancher, ainsi qu'à Fdesouche.

Rédigé par Polydamas

Publié dans #Entracte

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P
Il ne s'agit jamais d'arrêter ! Il faut simplement continuer sous d'autres formes. Effectivement la critique incessante du système ne mène à rien. Il est devenu stérile de tenter de sauver les gens contre eux-mêmes. C'est tenter de vider l'océan à la petite cuiller !Ce système est de toute manière moribond. Il suffit d'attendre au bord de la rivère et dans peu de temps nous verrons passer son cadavre.En attendant, prenons du bon temps et souvenons-nous que l'humour sauve de presque  tout.                                                                         http://psychotherapeute.blogspot.com/2007/12/retour-de-soire-ecclesiaste-et-stocisme.html
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P
Je ne desespère pas encore de sauver ce qui peut l'être...Mais effectivement, globalement je vous rejoins sur cette défense salutaire qu'est l'humour. En veillant toutefois à l'humour noir, qui est le premier pas vers le désespoir et le cynisme.Je le sais, j'y succombe facilement.
S
Pour ma part, je pense qu'il y a une solution dans la création. J'écris des nouvelles qui vont dans notre sens et qui sont lues par pas mal de monde. Je recherche actuellement un graphiste pour illustrer mes textes. Je cherche également une petite maison d'édition pour publier un roman humoristique et critique de notre époque.
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P
Oui, tout à fait, c'est une piste, il faut investir tous les domaines. Bon, si j'avais des contacts à vous proposer, ça aurait été sans problèmes, malheureusement je ne pense connaitre personne dans votre domaine de compétence.
X
Tu as raison : qui ne dit mot ... n'a plus qu'à la fermer ensuite! Non est un des premiers mots dit par un bébé pour s'affirmer. Il faut continuer de dire "NON". Mais à qui? Qui écoute maintenant? Va-t-il falloir etudier le langage des sourds pour se faire "entendre"?
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R
  Les enfants de la Zone Grise me paraissent surtout lucide. Ca n'a rien à  voir avec un coup de blues, tout avec l' intelligence de la situation. Et le programme de Saint Martin ma parait parfait :"Survivre en évitant la folie et laisser crever quiconque n’appartient pas au premier cercle du clan, voilà un programme à court terme qui semble très adapté aux conditions actuelles."Sur ce,heureuse nativité.
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M
Ne vous inquiétez pas messieurs. Il est après tout plus que normal que la lassitude s'insinue dans nos actions. Tenir un blog de qualité demande beaucoup de temps: un full time job en somme. C'est pourquoi seuls ne pourront survivre, à l'exception de quelques persévérants, que les blogs au sein desquels évoluent trois ou quatre personnes. Rejoingez nous! Nous recherchons une ou deux plumes pour compléter l'effectif!Bon WE
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P
Euh, désolé, mais je n'ai pas encore l'intention d'ouvrir ma plate-forme à quiconque. Je suis tellement égoïste pour cela que j'aurais du mal à lacher rien qu'une petite parcelle de pouvoir. Bon, cela dit, si les choses évoluent dans mon job, il est possible que cette opinion soit révisée...